lundi 18 avril 2011

| Avis ¦ Rango, Western façon camé-Leone

Rango de Gore Verbinski


Film d'aventure d'animation, USA, 2011, 1H40
Avec les voix originales de Johnny Depp, Isla Fisher, Abigail Breslin
Sortie le 23 mars 2011

L'objectif : Alors qu'il mène sa vie sans histoire d'animal de compagnie, Rango, caméléon peu aventurier, est en pleine crise d'identité : à quoi bon avoir des ambitions quand tout ce qu'on vous demande, c'est de vous fondre dans la masse ? Un jour, Rango échoue par hasard dans la petite ville de Poussière, dans l'Ouest sauvage, où de sournoises créatures venues du désert font régner la terreur. Contre toute attente, notre caméléon, qui ne brille pas par son courage, comprend qu'il peut enfin se rendre utile. Dernier espoir des habitants de Poussière, Rango s'improvise shérif et n'a d'autre choix que d'assumer ses nouvelles fonctions. Affrontant des personnages plus extravagants les uns que les autres, Rango va-t-il devenir le héros qu'il se contentait jusque-là d'imiter ?



Le subjectif : Dans le (grand) monde de l'animation, on peut dire que l'année 2010 fut une année faste. Pixar et Disney (Toy Story 3, Raiponce, La Princesse et la Grenouille), DreamWorks (Shrek 4, Dragons), et même Universal (Moi, moche et méchant) se sont livrés une guerre sans merci. Si, sur le territoire français, c'est DreamWorks et le dernier opus des aventures de l'ogre vert qui sont sortis gagnants au box-office, la critique et la profession ont quant à elles plutôt célébré le dernier film de la bande à Woody et Buzz. Toy Story a gagné son deuxième Oscar (le 1er pour celui de Meilleur film d'animation, Toy Story 1 et 2 n'ayant pas pu glaner cette distinction en 1996 et 99, puisqu'elle n'existe que depuis 2001) et a confirmé la domination des papas de Mickey sur le monde du film d'animation. Alors quoi ? Gore Verbinski peut-il, au même titre qu'un Wes Anderson l'an dernier (avec son renard-tistique Fantastic Mr Fox), déjouer les plans de ces magnats du dessin animé et imposer sa patte graphique avec Rango ?


Autant le dire de suite : le pari relevé est bien à la hauteur du défi lancé. Car le résultat produit par le réalisateur des trois premiers Pirates des Caraïbes – qui retrouve ici son compère Johnny Depp sous les traits du héros-caméléon – vaut le détour. Un détour par un Far West crasseux mais diablement réjouissant, qui vaut son pesant d'or. L'humour est omniprésent et, comme on pouvait s'y attendre avec Johnny Depp, l'absurde voire le déjanté également. Rien d'étonnant donc de passer d'un monologue théâtral du caméléon dans son terrarium, à des échanges mystico-drôlatiques entre notre héros et divers créatures étranges du désert californien.

Festival de personnages atypiques

Le caméléon sans identité (ou plutôt qui se crée de multiples facettes à l'instar d'un acteur sur les planches), qui va se faire appeler Rango, va débarquer dans une ville baptisée Poussière. Il va rencontrer tour à tour la jolie Fève (une lézarde prise de crises de tétanie), le maire (une tortue en apparence bienveillante) ainsi que toute une panoplie de « figures » comme on n'en avait plus vu depuis... Longtemps. Gueules cassées, corps estropiés, répliques qui fusent et verres de jus de cactus qui se descendent aussi vite que les histoires abracadabrantesques que leur sort le mythomane Rango...

Cette galerie de personnages atypiques répond à l'égocentrisme du héros, et sert incroyablement la richesse d'un film bien décidé à rendre hommage. De nombreux hommages. Au Western spaghetti tout d'abord, bien entendu, dans lequel il puise l'essentiel de son ambiance et de sa patte graphique. Mis à part le casting très animal, les personnages pourraient très bien se retrouver dans un film de Sergio Leone, ou dans une des nombreuses aventures de Bud Spencer et Terence Hill. Que dire également de l'apparition onirique de l'esprit de l'Ouest, incarné comme une évidence par un Clint Eastwood plus vrai que nature, sorti tout droit de la Trilogie du dollar de Leone.

Une BO animale

La musique, élément-clé de ce genre cinématographique, est ici également bien représentative. Si Ennio Morricone ne signe pas la BO, c'est en compositeur titré (Oscar pour Le Roi Lion, Golden globe pour Gladiator...) et habitué aux scores de Gore Verbinski (les Pirates... et The Weather Man) que l'Allemand Hans Zimmer habille la bobine de Rango. Et là encore, il y a claque. La partition est magistrale, immédiatement identifiable du genre sus-nommé et en même temps tellement particulière. On a l'impression de passer de petits morceaux comiques à de grandes épopées lyriques. On a d'un côté le charme et l'humour d'un quatuor de chouettes-mariachis (interprêté par Los Lobos, chantant et contant les aventures de Rango). Et de l'autre, des épopées lyriques à la Wagner. La célèbre chevauchée des Walkyries est d'ailleurs présente dans le film, enrobant une scène de poursuite dantesque. Et comique.

Comique, comme son personnage principal, qui n'est d'autre qu'un alter-égo de plus au génie qu'est Johnny Depp. Et le dernier hommage que rend Rango pourrait être en réalité une fresque entière dédiée à l'univers de l'acteur américain. De la chemise que porte le caméléon (qui est celle que porte Depp dans Las Vegas Parano), à la voiture qui manque de le renverser (et dont ses occupants rappellent sans forcer les protagonistes de... Las Vegas Parano, cf photo), en passant par le poisson mécanique géant en lévitation (sorti tout droit des délires oniriques d'Arizona Dream), tout semble prêt à porter pour le dandy Jack Sparrow. Tout cela - sans oublier un sous-texte écolo (à peine murmuré à l'oreille du spectateur), des décors à couper le souffle et une poésie de l'Ouest sauvage à nulle autre pareille – procure à ce Rango, au même titre qu'un premier pari réussi pour son réalisateur, le statut de film d'animation à ne manquer sous aucun prétexte. Et de classique instantané, unique et jouissif en diable.

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