mardi 28 mai 2013

| Avis ¦ Only God Forgives, l'art de (bien) présenter un navet


Only God Forgives de Nicolas Winding Refn


Drame, thriller, Danemark, France, 2013, 1H30
Avec Ryan Gosling, Kristin Scott Thomas, Vithaya Pansringarm 
Sortie le 22 mai 2013


(Sélection officielle, en compétition - Cannes 2013)


L'objectif : À Bangkok, Julian (Ryan Gosling), qui a fui la justice américaine, dirige un club de boxe thaïlandaise servant de couverture à son trafic de drogue. Sa mère (Kristin Scott Thomas), chef d’une vaste organisation criminelle, débarque des États-Unis afin de rapatrier le corps de son fils préféré, Billy : le frère de Julian vient en effet de se faire tuer pour avoir sauvagement massacré une jeune prostituée. Ivre de rage et de vengeance, elle exige de Julian la tête des meurtriers. Julian devra alors affronter Chang (Vithaya Pansrigarm), un étrange policier à la retraite, adulé par les autres flics ….



Le subjectif : Il y a deux ans, un polar indépendant enflammait la Croisette. Drive régalait critiques, jury et public du Festival de Cannes 2011, en même temps qu'il consacrait (enfin) son réalisateur danois : Nicolas Winding Refn. Glanant le prix de la mise en scène, le trentenaire, auteur auparavant d'autres films chocs (la Trilogie Pusher et Valhalla Rising avec son compatriote Mads Mikkelsen, ou Bronson, adaptation sans concession d'une histoire vraie en milieu carcéral), entrait dans la cour des très grands. Deux ans plus tard, donc, il revient, avec son complice Ryan Gosling (que Drive a métamorphosé tout autant), pour présenter Only God Forgives. Un long-métrage situé dans les bas-fonds "cradingues" de la Thaïlande, annoncé d'une violence extrême mais étiqueté film "indépendant, d'auteur, racé, stylisé". Mouais.





Il ne faut pas longtemps pour comprendre dans quel guêpier on met les pieds. Les premières minutes s'égrènent, avec un parti-pris évident du style à outrance. Du silence, du bruit, quelques plans de combattants de muay-thai (boxe thaïe), suivis de bien d'autres, toujours très soignés, parfaitement cadrés, baignant tantôt dans le noir, le rose, le rouge, l'orange... L'histoire, elle, se met en place très péniblement. Nicolas Winding Refn parle de combats, de drogue, de viols, de meurtres. De violence. Il expose, ou dénonce, une barbarie souvent extrême, aussi bien visuellement que psychologiquement. Au milieu de ce vacarme visuel morbide, et de tous ces corps rincés de sang frais, une poignée de personnages ahurissants se démène.

Violence stylisée

Il y a d'abord Julian, alias Ryan Gosling, encore plus taiseux que dans Drive, aux réactions souvent inexplicables et qui porte sa faiblesse comme un fardeau. Misérable, pathétique, il incarne sans doute une figure risible de la vengeance impossible et de l'échec, et se pose en parfait anti-héros. Face à lui, deux personnages tout autant mystérieux : un ancien flic devenu maître du katana, qui a une passion malsaine pour le découpage de membres, et la mère de Julian, campée par Kristin Scott Thomas. On imagine sans mal la puissance symbolique de ce personnage œdipien, mais sa vulgarité et sa monstruosité annihilent toute tentative de psychanalyse.

Plus que l'absence manifeste de scénario, ou que le choix d'enchaîner des séquences violentes et gratuites, le plus gros défaut de ce Only God Forgives est de n'exister qu'au travers de sa qualité d’œuvre d'art. Jamais, Nicolas Winding Refn ne raconte d'histoire. Jamais, il n'autorise son spectateur à comprendre ses personnages, à les suivre, à les écouter. Aucune émotion ne sort de cet amas d'hémoglobine et de néons. Certes, quelques critiques et esprits téméraires y trouveront leur compte : on peut aimer ce genre de cinéma. On peut adorer chercher dans une scène ou dans un plan la subjugation d'un parti pris artistique qui dénonce les dérives d'une société. Mais quand le seul intérêt du cinéma est de servir le fond par la forme, de promouvoir ce message par des effets criards et grossiers, alors le cinéma perd son intérêt premier : celui de divertir, d'exalter, d'émouvoir.

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