Moi, Daniel Blake de Ken Loach
Drame, UK, France, Belgique, 2016, 1H39
Avec Dave Johns, Hayley Squires, Dylan McKiernan
Sortie le 26 octobre 2016
L'objectif : Pour la première fois de sa vie, Daniel Blake, un menuisier anglais de 59 ans, est contraint de faire appel à l’aide sociale à la suite de problèmes cardiaques. Mais bien que son médecin lui ait interdit de travailler, il se voit signifier l'obligation d'une recherche d'emploi sous peine de sanction. Au cours de ses rendez-vous réguliers au « job center », Daniel va croiser la route de Katie, mère célibataire de deux enfants qui a été contrainte d'accepter un logement à 450km de sa ville natale pour ne pas être placée en foyer d’accueil. Pris tous deux dans les filets des aberrations administratives de la Grande-Bretagne d’aujourd’hui, Daniel et Katie vont tenter de s’entraider…
(Palme d'or - Sélection officielle, en compétition - Cannes 2016)
(Palme d'or - Sélection officielle, en compétition - Cannes 2016)
Le subjectif : A Cannes, au Festival, il y a les habitués et puis les autres. Souvent, les premiers sont les plus nombreux sur la ligne de départ, mais également à l'arrivée. Pour le plus grand désespoir des uns, et le plaisir des autres. Les Frères Dardenne, Xavier Dolan, Michael Haneke, Pedro Almodovar, Jim Jarmusch, Nicolas Winding Refn... Autant de noms, devant des réalisateurs pour la plupart réellement méritant, qui reviennent inexorablement d'une année sur l'autre. Cependant, il en est un encore plus présent que tous les autres. Un qui culmine, avec 18 films présentés à Cannes dont 13 en Compétition, comme le champion toutes catégories. Lui, c'est Ken Loach. L'Anglais, 80 ans en juin dernier, est un fidèle parmi les fidèles. Un meuble qui ne fait jamais tâche dans le décor du Palais des festivals, tant son cinéma plaît et parle au (plus) grand nombre. Palmé en 2006 pour Le Vent se lève, Prix du jury en 1990, 1993 et 2012 avec Secret défense, Raining Stones et La Part des anges, Ken Loach était encore en lice au printemps dernier, avec son dernier film Moi, Daniel Blake. Une histoire de révolte sociale qui a, une fois de plus, emporté la mise. Et le cœur des festivaliers.
Palme d'or qui n'a souffert d'aucune contestation (ou presque), le long-métrage de Ken Loach est engagé, pour ne pas dire enragé. Son sujet parle à tous, instinctivement. Son sujet parle de Daniel Blake, menuisier de presque 60 ans récemment arrêté suite à un accident cardiaque, et qui se retrouve confronté à l'incongruité absolue du système administratif et social anglais. Et quand je dis incongru, je veux dire stupide, effarant d'absurdité, de langueur, de déconnexion avec la réalité. Celle d'un honnête homme dans le besoin, qui ne demande qu'une chose : travailler, ou pouvoir compter sur des aides tant qu'il ne peut pas reprendre son métier. Problème : le Pôle emploi britannique estime qu'il est dans la capacité de reprendre le bleu de chauffe, et refuse donc de lui proposer des aides, alors que ses médecins lui interdisent la reprise du travail. Cercle vicieux et dangereux, ce système s'acharne sur Daniel Blake, qui, en plus d'être démuni face à cette situation, subi de plein fouet d'autres inepties grotesques, comme la quasi obligation de savoir se servir d'un ordinateur et d'avoir accès à Internet pour accéder à ses informations, et à ses possibilités de recours. Ken Loach filme les effets dévastateurs d'une organisation déconnectée de la réalité sur un sexagénaire malade, désemparé, isolé et maltraité psychologiquement.
Seul, Daniel Blake - incarné par un juste et sobre Dave Johns, humoriste anglais d'origine ouvrière et dont c'était le premier film - ne le reste pas longtemps. C'est réellement la force et le message véhiculé par le film de Ken Loach, l'idée directrice du long-métrage, qui nous montre que même si l’État et la société cherchent à vous mettre des battons dans les roues, il y a une valeur sur laquelle ils ne peuvent rien, c'est la solidarité. Bien entendu, tous les personnages croisés par Daniel Blake ne sont pas bienveillants. Mais il y en a beaucoup. De cette fonctionnaire qui tente coûte que coûte de lui venir en aide, à son jeune voisin, qu'on croit d'abord à problème, mais qui s'avère un allié précieux, tous font preuve d'un altruisme rafraîchissant. Surtout, il y a Katie (touchante et magnifique Hayley Squires, véritable point fort du casting) et ses deux enfants, que Daniel croise au détour d'une visite au Pôle emploi. Chacun aide l'autre, selon ses moyens et ses capacités, selon les besoins et les envies de l'autre. Daniel joue au plombier, au réparateur en tous genres, s’immisce en figure paternelle, tandis que Katie et ses enfants apportent au sexagénaire la flamme indispensable qui va le maintenir en vie.
Car c'est de cela qu'il s'agit, ni plus, ni moins : de vie, et de mort. De ce cycle infernal qui peut user et détruire des vies. De ces décisions ahurissantes d'une politique sociale nébulaire qui nuisent aux plus démunis, en les enfonçant toujours plus. De ce système administratif étouffant et inadapté aux personnes dans le besoin, qui semble vouloir les balader en espérant qu'elles abandonnent leurs démarches (après des heures passées au téléphone, devant des recours impossibles ou incroyablement longs à obtenir, faute d'outils souvent inaccessibles, etc.). Face à cet ennemi insidieux et tout puissant, Moi, Daniel Blake érige l'entraide, la débrouillardise et la cohésion comme armes et boucliers. "On a tous besoin de vent dans le dos", nous dit-on. On a besoin d'être aidé, conseillé, poussé amicalement pour pouvoir accomplir un acte d'une bravoure et d'un héroïsme infinis, alors qu'il est légitime : celui d'être écouté, respecté, et soutenu. Avec une forme visuelle très simple, sans aucune fioriture ni excès de pathos, et un fond bâti sur une histoire sociale forte et des situations hallucinantes bien que concrètes et réelles, que des millions d'êtres humains vivent tous les jours, Ken Loach réussit un nouveau tour de force : nous offrir un cinéma engagé et enragé, qui a d'autres prétentions que celui de faire applaudir des salles bondées - fussent-elles à Cannes, en plein mois de mai. Un cinéma pour réfléchir, et pour, espérons-le, (ré)agir.
Palme d'or qui n'a souffert d'aucune contestation (ou presque), le long-métrage de Ken Loach est engagé, pour ne pas dire enragé. Son sujet parle à tous, instinctivement. Son sujet parle de Daniel Blake, menuisier de presque 60 ans récemment arrêté suite à un accident cardiaque, et qui se retrouve confronté à l'incongruité absolue du système administratif et social anglais. Et quand je dis incongru, je veux dire stupide, effarant d'absurdité, de langueur, de déconnexion avec la réalité. Celle d'un honnête homme dans le besoin, qui ne demande qu'une chose : travailler, ou pouvoir compter sur des aides tant qu'il ne peut pas reprendre son métier. Problème : le Pôle emploi britannique estime qu'il est dans la capacité de reprendre le bleu de chauffe, et refuse donc de lui proposer des aides, alors que ses médecins lui interdisent la reprise du travail. Cercle vicieux et dangereux, ce système s'acharne sur Daniel Blake, qui, en plus d'être démuni face à cette situation, subi de plein fouet d'autres inepties grotesques, comme la quasi obligation de savoir se servir d'un ordinateur et d'avoir accès à Internet pour accéder à ses informations, et à ses possibilités de recours. Ken Loach filme les effets dévastateurs d'une organisation déconnectée de la réalité sur un sexagénaire malade, désemparé, isolé et maltraité psychologiquement.
"Donnez-moi un terrain, je vous construis une maison, mais je n'y connais rien en ordinateur ! ", Daniel Blake
Seul, Daniel Blake - incarné par un juste et sobre Dave Johns, humoriste anglais d'origine ouvrière et dont c'était le premier film - ne le reste pas longtemps. C'est réellement la force et le message véhiculé par le film de Ken Loach, l'idée directrice du long-métrage, qui nous montre que même si l’État et la société cherchent à vous mettre des battons dans les roues, il y a une valeur sur laquelle ils ne peuvent rien, c'est la solidarité. Bien entendu, tous les personnages croisés par Daniel Blake ne sont pas bienveillants. Mais il y en a beaucoup. De cette fonctionnaire qui tente coûte que coûte de lui venir en aide, à son jeune voisin, qu'on croit d'abord à problème, mais qui s'avère un allié précieux, tous font preuve d'un altruisme rafraîchissant. Surtout, il y a Katie (touchante et magnifique Hayley Squires, véritable point fort du casting) et ses deux enfants, que Daniel croise au détour d'une visite au Pôle emploi. Chacun aide l'autre, selon ses moyens et ses capacités, selon les besoins et les envies de l'autre. Daniel joue au plombier, au réparateur en tous genres, s’immisce en figure paternelle, tandis que Katie et ses enfants apportent au sexagénaire la flamme indispensable qui va le maintenir en vie.
Car c'est de cela qu'il s'agit, ni plus, ni moins : de vie, et de mort. De ce cycle infernal qui peut user et détruire des vies. De ces décisions ahurissantes d'une politique sociale nébulaire qui nuisent aux plus démunis, en les enfonçant toujours plus. De ce système administratif étouffant et inadapté aux personnes dans le besoin, qui semble vouloir les balader en espérant qu'elles abandonnent leurs démarches (après des heures passées au téléphone, devant des recours impossibles ou incroyablement longs à obtenir, faute d'outils souvent inaccessibles, etc.). Face à cet ennemi insidieux et tout puissant, Moi, Daniel Blake érige l'entraide, la débrouillardise et la cohésion comme armes et boucliers. "On a tous besoin de vent dans le dos", nous dit-on. On a besoin d'être aidé, conseillé, poussé amicalement pour pouvoir accomplir un acte d'une bravoure et d'un héroïsme infinis, alors qu'il est légitime : celui d'être écouté, respecté, et soutenu. Avec une forme visuelle très simple, sans aucune fioriture ni excès de pathos, et un fond bâti sur une histoire sociale forte et des situations hallucinantes bien que concrètes et réelles, que des millions d'êtres humains vivent tous les jours, Ken Loach réussit un nouveau tour de force : nous offrir un cinéma engagé et enragé, qui a d'autres prétentions que celui de faire applaudir des salles bondées - fussent-elles à Cannes, en plein mois de mai. Un cinéma pour réfléchir, et pour, espérons-le, (ré)agir.
J’avoue que j’ai vu ce film, car mon amie a lourdement insisté. Je ne m’attendais pas à ça ! Et pour cause, j’ai passé un très bon moment. L’histoire est tout aussi prenante que réaliste, drôle et bouleversante.
RépondreSupprimerMoi, Daniel Blake est une Palme d'or engagée et méritée, et un film à voir, vous avez bien fait ! ;)
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