dimanche 19 janvier 2014

| Avis ¦ Philomena, récit de vie d'une vieille dame digne


Philomena de Stephen Frears

 

Drame, UK-France-USA, 2013, 1H38
Avec Judi Dench, Steve Coogan, Sophie Kennedy Clark 
Sortie le 8 janvier 2014


L'objectif : Irlande, 1952. Philomena Lee, encore adolescente, tombe enceinte. Rejetée par sa famille, elle est envoyée au couvent de Roscrea. En compensation des soins prodigués par les religieuses avant et pendant la naissance, elle travaille à la blanchisserie, et n’est autorisée à voir son fils, Anthony, qu’une heure par jour. À l’âge de trois ans, il lui est arraché pour être adopté par des Américains. Pendant des années, Philomena essaiera de le retrouver. Quand, cinquante ans plus tard, elle rencontre Martin Sixmith, journaliste désabusé, elle lui raconte son histoire, et ce dernier la persuade de l’accompagner aux Etats-Unis à la recherche d’Anthony.



Le subjectif : Deux ans après le très moyen Lady Vegas - boudé par la critique et le public - le réalisateur anglais Stephen Frears, qui avait quand même "commis" les excellents The Queen, Tamara Drewe, et Les Liaisons dangereuses, confirme avec Philomena qu'il ne s'agissait que d'un accident. Nommé quatre fois aux Oscars (Meilleurs film, Meilleur scénario adapté, Meilleure actrice pour Judi Dench et Meilleure musique pour Alexandre Desplat), il est inspiré d'une histoire vraie. Adapté du livre The Lost Child of Philomena Lee du journaliste Martin Sixmith par Jeff Pope et Steve Coogan (qui campe d'ailleurs à l'écran ce même Martin Sixmith), le film met en scène la tragédie vécue par une jeune irlandaise au milieu des années 1950.



Tombée "accidentellement" enceinte alors qu'elle n'a que 16 ans, Philomena Lee, abandonnée par sa famille et recluse dans un couvent, se voit en plus privée de son fils, Anthony. Les religieuses, après le lui avoir arraché, ne lui accordent qu'une heure de visite par jour. Et à 3 ans, elles font adopter l'enfant par de riches Américains. Ce terrible sort, Philomena le cache au plus profond d'elle, jusqu'au jour du cinquantième anniversaire de la naissance d'Anthony. Après avoir été longtemps tiraillée entre le sentiment de culpabilité d'avoir fait un enfant, et celui d'avoir caché son existence, elle décide de parler. A sa fille, d'abord, puis à Martin Sixmith, un ancien reporter de la BBC, décrédibilisé dans son métier et qui n'était a priori pas destiné à la rencontrer.

"On n'a pas besoin de l’Église pour être heureux et équilibré", Martin Sixmith

Touché par son histoire, et peut-être intéressé par le nouvel élan que ce reportage pourrait donner à sa carrière, le journaliste accepte d'aider la vieille dame dans son projet : retrouver son fils. Ils vont remonter le temps à deux, et vont devoir apprendre à se supporter. Cet antagonisme (lui est cynique, a fait de grandes études, écrit des livres sur l'Histoire de Russie et ne croit pas en Dieu ; elle lit des romans à l'eau de rose, a une foi et un courage à toutes épreuves et s'émerveille de tout) est une des forces du film de Stephen Frears. Philomena est autant le récit d'un fait divers tragique (qui a touché des milliers de jeunes femmes) que la confrontation psychologique de deux personnages et deux générations que tout oppose.

Steve Coogan (excellent) campe un reporter révolté et prêt à tout pour faire éclater la vérité (mélange de cynisme et de déontologie journalistique), jusqu'à oublier qu'il ne s'agit pas de son combat. Face à lui, la magnifique Judi Dench joue une Philomena qui, même si elle a subi les pires sévices (autant physiques - ayant accouché par le siège sans antalgique - que moraux), conserve une foi et un courage inébranlables. L'un comme l'autre vont garder leurs convictions et leur ligne de conduite : c'est ce qui évite à Philomena de plonger dans le mélodrame classique où l'un aurait adopté la façon de penser de l'autre. C'est au contraire un récit réaliste qui nous est offert, tout sauf manichéen, qui ne juge ni ne condamne qui que ce soit. Très anglais dans sa dimension sociale et dans son humour, le film n'est pas non plus dénué d'émotions. Elles apparaissent simplement plus "vraies", comme l'est l'histoire de Philomena Lee.

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