lundi 27 janvier 2014

| Avis ¦ Le vent se lève, dernier rêve animé de Miyazaki


Le vent se lève de Hayao Miyazaki

 

Animation, drame, Japon, 2013, 2H06
Avec les voix de Hideaki Anno, Miori Takimoto, Hidetoshi Nishijima 
Sortie le 22 janvier 2014


L'objectif : Inspiré par le fameux concepteur d’avions Giovanni Caproni, Jirô rêve de voler et de dessiner de magnifiques avions. Mais sa mauvaise vue l’empêche de devenir pilote, et il se fait engager dans le département aéronautique d’une importante entreprise d’ingénierie en 1927. Son génie l’impose rapidement comme l’un des plus grands ingénieurs du monde. Le Vent se lève raconte une grande partie de sa vie et dépeint les événements historiques clés qui ont profondément influencé le cours de son existence, dont le séisme de Kanto en 1923, la Grande Dépression, l’épidémie de tuberculose et l’entrée en guerre du Japon. Jiro connaîtra l’amour avec Nahoko et l’amitié avec son collègue Honjo. Inventeur extraordinaire, il fera entrer l’aviation dans une ère nouvelle.



Le subjectif : Hayao Miyazaki l'a annoncé lui-même, Le vent se lève sera son dernier film d'animation. A 73 ans, le dessinateur et cofondateur du Studio Ghibli, à qui l'on doit déjà dix films et autant de classiques (de Nausicaä à Ponyo sur la falaise, sorti en 2008, en passant par Princesse Mononoké et surtout Le voyage de Chihiro, son plus grand succès, réalisé après une "première" retraite), ce maître de l'animation japonaise nous livre son testament. Une dernière œuvre qui est aussi une première, puisque Le vent se lève marque une expérience inédite pour Miyazaki : le récit s'inspire d'une histoire vraie.



A l'image du Tombeau des lucioles, le chef d’œuvre lacrymal de son compère et ami Isao Takahata, Le vent se lève raconte l'histoire d'un personnage au moment de la Seconde guerre mondiale. Le film de Hayao Miyazaki s'attarde néanmoins sur une figure réelle, et non fictive : celle de l'ingénieur aéronautique Jirô Horikoshi. Mais film d'animation du Studio Ghibli oblige, Le vent se lève est une adaptation libre de la vie de celui qui inventa les chasseurs bombardiers Mitsubishi A6M (ou "chasseurs zéros"). Le dernier Miyazaki nous entraîne entre petite et grande Histoire, inspiration oniriques et aériennes, et poésie.

"Le vent se lève !... Il faut tenter de vivre !", Paul Valéry, Le cimetière marin

Une poésie qui est présente dès les premières secondes du long-métrage. Son titre et son exergue font référence au poème Le cimetière marin de Paul Valéry, dont "Le vent se lève !... Il faut tenter de vivre !" est le premier vers du dernier sizain. Cette phrase se fait entendre tout au long du film, à mesure que le héros se heurte aux difficultés de la vie. Elle est une sorte de leitmotiv pour lui, une marche à suivre. Myope, le jeune Jirô ne pourra jamais accomplir son rêve de piloter un avion : il se contentera de les créer. Plus tard il rencontrera et tombera amoureux de Naoko, mais là encore il lui faudra surmonter plusieurs obstacles. La persévérance dans l'accomplissement de ses rêves, voici le dernier des messages que nous adresse Hayao Miyazaki.



Comme souvent chez le Japonais, ce témoignage nous est transmis grâce à des scènes féériques et oniriques admirables. Au milieu d'une guerre et d'un quotidien âpres (le séisme de Kanto en 1923, la crise boursière survenue quelques années plus tard, la course à l'armement, le retard technologique effarant du Japon), Miyazaki octroie au spectateur en même temps qu'à son personnage quelques haltes au pays des songes. C'est en rêvant que Jirô rencontre son "mentor" Giovanni Caproni, et qu'il décide ce qu'il fera de sa vie. "Les rêves ont cela de bien, que tout y est permis, lui lance l'ingénieur italien. Les avions sont des rêves merveilleux, et les ingénieurs transforment les rêves en réalité."

Une ode au positivisme

Même si la volonté première de Miyazaki est de rendre hommage aux nombreuses victimes collatérales de l'entrée en guerre de l'Empire japonais (Jirô répète souvent qu'il souhaite juste faire de beaux avions, l'armement étant un obstacle au perfectionnement de ses engins), une autre interprétation de ces rêves est possible. L'ingénieur, c'est Miyazaki ; les rêves et les avions, ce sont ses films. Dans son domaine, le dessinateur apparaît comme un technicien hors pair, nous proposant un univers cohérent et fascinant, à la technique (la scène du séisme de terre est superbement animée) et à la poésie sans égale, et plein de références à son environnement et à son expérience.



Le vent se lève rend d'ailleurs hommage à une autre œuvre majeure des années 1920 : La montagne magique. Castorp, le héros du livre de Thomas Mann, est tout simplement présent dans le film, sous les traits d'un Allemand possédant le même nom, et qui se lie d'amitié avec Jirô. Il est le témoin, à l'instar de Caproni, de la décision du jeune Japonais de croire en un avenir radieux, même s'il est semé d'embuches. "La vie est si belle, certains jours", soupire Castorp. Et alors tous ces messages, tous ces enseignements se recoupent. Le vent se lève est une ode au positivisme, une réponse optimiste aux difficultés de la vie. C'est aussi le dernier air d'un maître ; un dernier rêve animé qui n'est peut-être pas son film le plus marquant, mais certainement le plus personnel.

4 commentaires:

  1. Superbe chronique ! Je ne me souviens pas avoir jamais vu de film de Miyasaki, et là tu m'as donné envie. Comme souvent !!!
    Par ailleurs, je salue la double lecture du film. J'apprécie l'amorce d'étude symboliste que tu mènes ;-)

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    1. Je n'ai pas tout compris à ce que tu as dit, mais ça me touche énormément, comme souvent ! ;)
      C'est vrai que le symbolisme, c'est important !
      PS: tu n'as jamais jamais vu Chihiro, Porco Rosso, Mononoké ? Mais comment t'ai-je éduqué ???

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    2. Oui, j'ai un peu honte, je dois l'avouer... C'est le seul volet de mon éducation que tu as raté ! Pour les Danny Boyle, c'est bon, je suis fan ;)

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    3. Alors ça va, j'ai pas tout raté ^^

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