Zootopie de Byron Howard et Rich Moore
Film d'animation Disney, comédie, aventure, policier, USA, 2016, 1H48
Avec les voix VF de Marie-Eugénie Maréchal, Alexis Victor, Pascal Elbé
Sortie le 17 février 2016
L'objectif : Zootopie est une ville qui ne ressemble à aucune autre : seuls les animaux l'y habitent ! On y trouve des quartiers résidentiels élégants comme le très chic Sahara Square, et d’autres moins hospitaliers comme le glacial Tundratown. Dans cette incroyable métropole, chaque espèce animale cohabite avec les autres. Qu’on soit un immense éléphant ou une minuscule souris, tout le monde à sa place à Zootopie ! Lorsque Judy Hopps fait son entrée dans la police, elle découvre qu’il est bien difficile de s’imposer chez les gros durs en uniforme, surtout quand on est une adorable lapine. Bien décidée à faire ses preuves, Judy s’attaque à une épineuse affaire, même si cela l’oblige à faire équipe avec Nick Wilde, un renard à la langue bien pendue et véritable virtuose de l’arnaque...
Le subjectif : Le passage de Disney de l'animation en 2D à la 3D est une histoire intéressante et complexe - que j'avais essayé de démêler, avec plus ou moins de clarté et de réussite, dans ma critique de La Princesse et la Grenouille, il y a quelques années. Après un début compliqué, marqué (ou pas) par trois productions que presque tout le monde a oublié (Dinosaures, The Wild et Chicken Little), les studios Disney ont enclenché la seconde dès 2006, rassérénés par le rachat de Pixar, mais, surtout, par l'arrivée du nouveau directeur créatif John Lasseter. Le papa des Toy Stories a tapé dans la souricière, revigorant l'animation par ordinateur de la firme, et lançant Bienvenue chez les Robinson, puis Volt en 2008, qui fût le premier long-métrage Disney de ce type à rencontrer un vrai succès. Certainement satisfait du travail effectué par le réalisateur Byron Howard, Lasseter lui a confié les rennes du projet suivant : Raiponce. Là aussi, le succès fût au rendez-vous. Différentes des "pépites" de Pixar, ces productions Disney en images de synthèse avaient une personnalité propre qui ravissait la presse et enchantait les spectateurs. Tant et si bien que les films en 3D se sont enchaînés : avant Les Nouveaux Héros l'an dernier, il y a eu La Reine des neiges pour le Noël 2013, et, l'année précédente, Les Mondes de Ralph, réalisé par Rich Moore.
Pourquoi tout ce paragraphe de blabla indigeste ? Déjà pour revenir sur la genèse des Walt Disney Animation Studios, rebaptisés ainsi par John Lasseter en 2006. Ensuite, pour présenter Zootopie à travers le prisme du travail de ses deux co-réalisateurs Byron Howard et Rich Moore, à qui il convient d'ajouter un troisième larron, Jared Bush. Passionné par les vieux dessins animés Disney qui mettaient en scène des animaux dotés de la parole, comme Robin des bois, le premier cité a exposé son projet à John Lasseter, rapidement emballé. Voilà comment le monde de Zootopie a été imaginé, et comment ses bêtes de tous poils et de tous genres se sont anthropomorphisées. Ici, point d'homme : les animaux sont seuls, ils naissent, vivent et meurent libres et... En tout cas, ils sont libres. L'égalité, elle, est une autre paire de manches qui figure d'ailleurs au centre de l'intrigue. Le spectateur va rapidement se rendre compte que les animaux, qui sont censés vivre en harmonie et cohabiter tous ensemble, sont eux aussi confrontés à la stigmatisation, à la ségrégation, aux clivages et à tous ces trucs "pas très Charlie". Il existe les gros et les petits, les forts et les faibles, les lents et les rapides, mais surtout, et même si grâce à l'évolution, tous ont délaissé la vie sauvage, il existe les prédateurs et les proies.
Dans cet univers malgré tout très accueillant - notamment la sympathique et multiculturelle ville de Zootopie, qui abrite de nombreux quartiers et écosystèmes différents - nous suivons la trajectoire d'une petite lapine, Judy Hopps. Bien décidée à contredire ses gènes et ses propres parents, qui lui incitent à renoncer à ses rêves et lui répètent à l'envi qu'une destinée de lagomorphe se résume à planter des carottes ("nous changeons le monde une carotte à la fois", lui dit son père, avant de poursuivre : "les rêves c'est bien joli, donc on n'y croit pas trop !"), Judy veut devenir policière. Même si sa force d'abnégation et son courage lui font franchir le premier obstacle de l'académie de police, en arrivant à Zootopie notre lapine s'aperçoit qu'il est bien compliqué de bousculer l'ordre établi, à commencer par celui de ses collègues. Brimée, ridiculisée, livrée à elle-même, elle va tenter de relever ce défi avec la seule force de sa bonne foi, mais se heurtera régulièrement au racisme primaire. L'attitude de cette héroïne forge le respect, et donne une belle leçon aux humains que nous sommes - même si la suite de l'aventure prouvera à tous, Judy comprise, que la réalité n'est jamais manichéenne et que même les plus sincères intentions peuvent avoir des effets néfastes. Bref, oui, Zootopie parle de notre société, de ses nombreux avantages et possibilités illimitées, mais aussi de nos tares et de nos faiblesses, notamment quand il s'agit de respecter notre prochain. Cet aspect philosophique, et presque poétique à de nombreux moments, est clairement un des points forts du long-métrage. Comme si les réalisateurs avaient décidé d'animer des bêtes pour s'adresser à nous de manière plus directe et efficace.
Si Zootopie est une fable sur la vie, et notamment sur celle de notre héroïne (mais aussi de son camarade d'infortune, le renard et arnaqueur Nick Wilde), le film d'animation de Moore et Howard est également une merveille de comédie. Plus exactement, une merveille de buddy movie dynamique, déjanté, hilarant et mignon tout plein. J'en profite d'ailleurs pour vous signaler que, dans le monde de Zootopie, dire à un lapin qu'il est mignon est très mal vu : seuls les lapins ont le droit de traiter d'autres lapins de mignon... ça ne vous rappelle rien ? Fin de la parenthèse digressive. Je disais donc que Zootopie est plus qu'une fable, c'est une fabuleuse aventure animée. Déjà, les personnages et les environnements, qui fourmillent de vie et de détails, sont très réussis - on reconnaît d'ailleurs sans mal la "patte" de Byron Howard, réalisateur de... Volt et Raiponce (suivez, bon sang!). Ensuite, l'intrigue, qui vient rapidement s'ajouter à la problématique "sociétale", est vraiment bien ficelée. Pour faire court et sans rien dévoiler, Judy et Nick se retrouvent embrigadés bien malgré eux dans une enquête à rebondissements qu'ils vont devoir résoudre en un temps imparti, et qui plus est en étant bien obligés de se faire confiance et de se supporter - ce qui n'est pas forcément évident pour une lapine et un renard.
C'est drôle, voire poilant (la scène des paresseux à la préfecture est vouée à devenir instantanément culte, et vous pouvez la visionner plus bas, car je suis un garçon sympa), c'est divertissant, superbement bien réalisé et très "mignon". Enfin, c'est émouvant et rempli de jolis conseils personnels (exemple vers la fin du film, ce que disent à leur fille les parents de Judy) ou universels. Avec intelligence et humour, ces messages ne sont jamais moralisateurs ou mielleux, ils sonnent au contraire juste et vrai. Le discours humaniste de Disney est simple, pas simpliste. Si le film prône l'échange et le partage pour rendre le monde meilleur car "nous avons beaucoup en commun", il nous montre aussi que ce n'est pas toujours simple, que les préjugés et a priori ont la vie dure, et qu'il faut d'abord s'occuper de soi, car "le changement commence par nous". Avec Zootopie, Disney ne réalise pas seulement un des meilleurs films de l'année, ou l'un de ses meilleurs films d'animation de tous les temps (oui, oui !). Zootopie fait la différence en célébrant les différences.
Le subjectif : Le passage de Disney de l'animation en 2D à la 3D est une histoire intéressante et complexe - que j'avais essayé de démêler, avec plus ou moins de clarté et de réussite, dans ma critique de La Princesse et la Grenouille, il y a quelques années. Après un début compliqué, marqué (ou pas) par trois productions que presque tout le monde a oublié (Dinosaures, The Wild et Chicken Little), les studios Disney ont enclenché la seconde dès 2006, rassérénés par le rachat de Pixar, mais, surtout, par l'arrivée du nouveau directeur créatif John Lasseter. Le papa des Toy Stories a tapé dans la souricière, revigorant l'animation par ordinateur de la firme, et lançant Bienvenue chez les Robinson, puis Volt en 2008, qui fût le premier long-métrage Disney de ce type à rencontrer un vrai succès. Certainement satisfait du travail effectué par le réalisateur Byron Howard, Lasseter lui a confié les rennes du projet suivant : Raiponce. Là aussi, le succès fût au rendez-vous. Différentes des "pépites" de Pixar, ces productions Disney en images de synthèse avaient une personnalité propre qui ravissait la presse et enchantait les spectateurs. Tant et si bien que les films en 3D se sont enchaînés : avant Les Nouveaux Héros l'an dernier, il y a eu La Reine des neiges pour le Noël 2013, et, l'année précédente, Les Mondes de Ralph, réalisé par Rich Moore.
Pourquoi tout ce paragraphe de blabla indigeste ? Déjà pour revenir sur la genèse des Walt Disney Animation Studios, rebaptisés ainsi par John Lasseter en 2006. Ensuite, pour présenter Zootopie à travers le prisme du travail de ses deux co-réalisateurs Byron Howard et Rich Moore, à qui il convient d'ajouter un troisième larron, Jared Bush. Passionné par les vieux dessins animés Disney qui mettaient en scène des animaux dotés de la parole, comme Robin des bois, le premier cité a exposé son projet à John Lasseter, rapidement emballé. Voilà comment le monde de Zootopie a été imaginé, et comment ses bêtes de tous poils et de tous genres se sont anthropomorphisées. Ici, point d'homme : les animaux sont seuls, ils naissent, vivent et meurent libres et... En tout cas, ils sont libres. L'égalité, elle, est une autre paire de manches qui figure d'ailleurs au centre de l'intrigue. Le spectateur va rapidement se rendre compte que les animaux, qui sont censés vivre en harmonie et cohabiter tous ensemble, sont eux aussi confrontés à la stigmatisation, à la ségrégation, aux clivages et à tous ces trucs "pas très Charlie". Il existe les gros et les petits, les forts et les faibles, les lents et les rapides, mais surtout, et même si grâce à l'évolution, tous ont délaissé la vie sauvage, il existe les prédateurs et les proies.
Disney fête la différence
Dans cet univers malgré tout très accueillant - notamment la sympathique et multiculturelle ville de Zootopie, qui abrite de nombreux quartiers et écosystèmes différents - nous suivons la trajectoire d'une petite lapine, Judy Hopps. Bien décidée à contredire ses gènes et ses propres parents, qui lui incitent à renoncer à ses rêves et lui répètent à l'envi qu'une destinée de lagomorphe se résume à planter des carottes ("nous changeons le monde une carotte à la fois", lui dit son père, avant de poursuivre : "les rêves c'est bien joli, donc on n'y croit pas trop !"), Judy veut devenir policière. Même si sa force d'abnégation et son courage lui font franchir le premier obstacle de l'académie de police, en arrivant à Zootopie notre lapine s'aperçoit qu'il est bien compliqué de bousculer l'ordre établi, à commencer par celui de ses collègues. Brimée, ridiculisée, livrée à elle-même, elle va tenter de relever ce défi avec la seule force de sa bonne foi, mais se heurtera régulièrement au racisme primaire. L'attitude de cette héroïne forge le respect, et donne une belle leçon aux humains que nous sommes - même si la suite de l'aventure prouvera à tous, Judy comprise, que la réalité n'est jamais manichéenne et que même les plus sincères intentions peuvent avoir des effets néfastes. Bref, oui, Zootopie parle de notre société, de ses nombreux avantages et possibilités illimitées, mais aussi de nos tares et de nos faiblesses, notamment quand il s'agit de respecter notre prochain. Cet aspect philosophique, et presque poétique à de nombreux moments, est clairement un des points forts du long-métrage. Comme si les réalisateurs avaient décidé d'animer des bêtes pour s'adresser à nous de manière plus directe et efficace.
Si Zootopie est une fable sur la vie, et notamment sur celle de notre héroïne (mais aussi de son camarade d'infortune, le renard et arnaqueur Nick Wilde), le film d'animation de Moore et Howard est également une merveille de comédie. Plus exactement, une merveille de buddy movie dynamique, déjanté, hilarant et mignon tout plein. J'en profite d'ailleurs pour vous signaler que, dans le monde de Zootopie, dire à un lapin qu'il est mignon est très mal vu : seuls les lapins ont le droit de traiter d'autres lapins de mignon... ça ne vous rappelle rien ? Fin de la parenthèse digressive. Je disais donc que Zootopie est plus qu'une fable, c'est une fabuleuse aventure animée. Déjà, les personnages et les environnements, qui fourmillent de vie et de détails, sont très réussis - on reconnaît d'ailleurs sans mal la "patte" de Byron Howard, réalisateur de... Volt et Raiponce (suivez, bon sang!). Ensuite, l'intrigue, qui vient rapidement s'ajouter à la problématique "sociétale", est vraiment bien ficelée. Pour faire court et sans rien dévoiler, Judy et Nick se retrouvent embrigadés bien malgré eux dans une enquête à rebondissements qu'ils vont devoir résoudre en un temps imparti, et qui plus est en étant bien obligés de se faire confiance et de se supporter - ce qui n'est pas forcément évident pour une lapine et un renard.
C'est drôle, voire poilant (la scène des paresseux à la préfecture est vouée à devenir instantanément culte, et vous pouvez la visionner plus bas, car je suis un garçon sympa), c'est divertissant, superbement bien réalisé et très "mignon". Enfin, c'est émouvant et rempli de jolis conseils personnels (exemple vers la fin du film, ce que disent à leur fille les parents de Judy) ou universels. Avec intelligence et humour, ces messages ne sont jamais moralisateurs ou mielleux, ils sonnent au contraire juste et vrai. Le discours humaniste de Disney est simple, pas simpliste. Si le film prône l'échange et le partage pour rendre le monde meilleur car "nous avons beaucoup en commun", il nous montre aussi que ce n'est pas toujours simple, que les préjugés et a priori ont la vie dure, et qu'il faut d'abord s'occuper de soi, car "le changement commence par nous". Avec Zootopie, Disney ne réalise pas seulement un des meilleurs films de l'année, ou l'un de ses meilleurs films d'animation de tous les temps (oui, oui !). Zootopie fait la différence en célébrant les différences.
"On est peut-être évolué, mais au final on est toujours des animaux !"
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