vendredi 5 novembre 2010

| Avis ¦ Les Amours imaginaires, les trois de l'attraction


Les amours imaginaires de Xavier Dolan


Comédie dramatique, Canada, 2009, 1H35
Avec Monia Chokri, Niels Schneider, Xavier Dolan
Sortie le 29 septembre 2010

L'objectif : Francis et Marie, deux amis, tombent amoureux de la même personne. Leur trio va rapidement se transformer en relation malsaine où chacun va tenter d'interpréter à sa manière les mots et gestes de celui qu'il aime...


Le subjectif : Xavier Dolan a 21 ans. Il est né à Montréal en 1989. Xavier Dolan a réalisé deux long métrages. Il est né à Cannes en 2009. Son premier film, J'ai tué ma mère, a effectivement créé l'événement sur la Croisette à la Quinzaine des réalisateurs. Il a ensuite cartonné aux Césars locaux québécois, remportant pas moins de quatre Jutra. Son second et dernier film, Les amours imaginaires, a lui aussi connu le tapis rouge, cette année, dans la catégorie Un certain regard. Le jeune homme, gueule d'ange et banane à la James Dean, cinématographiquement gay et au tatouage sur l'épaule droite, est déjà un phénomène. La France peut le (re)découvrir avec ses Amours imaginaires, sorte de fable à nulle autre pareille sur un triangle amoureux, qui ne l'est pas moins.


Et autant que vous le sachiez, si vous ne connaissez pas le jeune réalisateur, Xavier Dolan fait tout. Absolument tout dans son film : il écrit, réalise, met en scène, joue, monte, crée costumes et décors. Son explication ? « J'ai un côté control freak, commentait-il aux Inrocks fin septembre. Je fais des films intimes et j'ai envie de tenir les rênes jusqu'au bout. » Ses deux longs sont en effet le reflet d'expériences personnelles vécues par le Québécois. Les Amours imaginaires racontent les illusions sentimentales de Dolan, ces sentiments qu'on croit dur comme fer partagés par la personne qu'on aime, mais qui en réalité ne restent que pures fantasmes. Seul derrière la caméra, Xavier Dolan n'en est pas moins bien accompagné devant. Aux côtés de son personnage, Francis, on retrouve la surprenante Monia Chokri, qui interprète Marie, sa meilleure amie à l'écran. Les deux compères vont tomber amoureux de la même personne : Nicolas. Ce bellâtre, sosie presque parfait de Louis Garrel (qui fait d'ailleurs une apparition à la fin du film), l'accent et les bouclettes blondes en sus, est joué par Niels Schneider.

Une beauté rare, un cinéma esthétisant

Une fois le contexte installé, ne vous attendez surtout pas à un film classique sur les relations amoureuses, fussent-elles triangulaires. Non, Xavier Dolan n'a peur de rien et ne filme comme personne. Ses Amours imaginaires se scindent plusieurs fois. Pour faire simple, d'un côté nous avons l'histoire des trois protagonistes principaux, et de l'autre nous assistons à une sorte de débats sur les beautés et les affres de l'amour. On retrouve plusieurs Québécois (ces scènes sont d'ailleurs doublées, contrairement au reste) qui parlent, pas vraiment face caméra mais plutôt comme s'ils se répondaient, se parlaient entre amis autour d'une table. L'un va raconter comment sa copine l'a largué et comment il a mis un an pour l'oublier totalement. L'autre va expliquer comment une relation passionnelle à distance avec un Allemand a basculé dans de la routine ennuyeuse au moment où ce dernier est venu emménager chez elle. Des discours drôles, intéressants, parfois touchants mais qui, malgré tout, aèrent un peu trop le film de Dolan.



A côté de ces passages, nous suivons donc l'évolution de l'histoire principale. Comment Nicolas joue avec les sentiments de Marie et Francis. Ces derniers tombent peu à peu sous le charme du blondinet, jusqu'à ce que cette affolante cour se termine en eau de boudin. Que ces amours rêvées deviennent définitivement illusoires. Mais au final, l'histoire (qui est connue dès le début par le spectateur, grâce au titre) n'est qu'une excuse pour Xavier Dolan. Certes, il se met à nu, il se raconte, et ce qu'il raconte est dans ce sens important, et personnel. Il n'en reste que ce qui frappe dans les Amours imaginaires est la beauté qui s'en dégage. Une beauté esthétisante pas du tout froide, mais au contraire chaleureuse. Faite de ralentis, de gros plan, la façon de filmer du jeune réalisateur rend grâce aux émotions et au jeu des personnages. Chaque scène est un tableau émouvant qui laisse rejaillir ces amours imaginaires. Et la musique, superbe, embellit encore plus le film, avec notamment des compositions de musique classique, ou la version italienne de Bang Bang, made in Dalida.

Une histoire de cuillères vides

Pour appuyer cet esthétisme sensuel, quelques scènes de transitions, muettes, viennent consolider l'impression d'assister à une oeuvre d'art. Teintées de rouge, bleu, violet, elles nous montrent, toujours en gros plan et ralentis, Marie et Francis en train de trouver du réconfort auprès de copains de baise. Cet amour qu'ils recherchent tous les deux, ils vont finalement l'exprimer avec ces compagnons de lit, qu'ils vont enlacer, sur qui ils vont pleurer. En y cherchant plus que du sexe, mais tout en sachant que l'amour qu'ils veulent ne se trouve pas dans ce lit-là.

Leur amoureux, à tous les deux, demeure tout le film à la fois distant et tactile, sauvage et disponible. Ils vont alors essayer de le séduire, donnant lieu à des scènes de violente dispute dans les feuilles sous l'automne québécois, ou à un concours amusant du plus beau cadeau d'anniversaire. Au cours de cette soirée, Marie va enrager d'apprendre que la mère du grand Nicolas trouve qu'elle est habillée comme une femme d'intérieur des années 50. Colère à laquelle Francis répliquera, en abondant dans le sens de la mère : « c'est pas parce que c'est vintage que c'est beau. » Les répliques fusent, elles nous parlent de nous, de notre époque. Des frustrations amoureuses, et de la jeunesse éperdument à la recherche de réconfort. Pour au final, demeurer des cuillères vides. Comme le dit Marie, à sa coiffeuse, en guise de conclusion : « c'est la cuillère, se réveiller le matin avec celui qu'on aime, sentir son ventre chaud respirer dans le creux de son dos. »

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