mercredi 3 novembre 2010

| Avis ¦ The Social Network, petits pokes entre amis


The Social Network de David Fincher


Drame, USA, 2010, 2H00
Avec Jesse Eisenberg, Andrew Garfield, Justin Timberlake
Sortie le 13 octobre 2010


L'objectif : Une soirée bien arrosée d'octobre 2003, Mark Zuckerberg, un étudiant qui vient de se faire plaquer par sa petite amie, pirate le système informatique de l'Université de Harvard pour créer un site, une base de données de toutes les filles du campus. Il affiche côte à côte deux photos et demande à l'utilisateur de voter pour la plus canon. Il baptise le site Facemash. Le succès est instantané : l'information se diffuse à la vitesse de l'éclair et le site devient viral, détruisant tout le système de Harvard et générant une controverse sur le campus à cause de sa misogynie. Mark est accusé d'avoir violé intentionnellement la sécurité, les droits de reproduction et le respect de la vie privée. C'est pourtant à ce moment qu'est né ce qui deviendra Facebook. Peu après, Mark crée thefacebook.com, qui se répand comme une trainée de poudre d'un écran à l'autre d'abord à Harvard, puis s'ouvre aux principales universités des États-Unis, de l'Ivy League à Silicon Valley, avant de gagner le monde entier... Cette invention révolutionnaire engendre des conflits passionnés. Quels ont été les faits exacts, qui peut réellement revendiquer la paternité du réseau social planétaire ? Ce qui s'est imposé comme l'une des idées phares du XXIe siècle va faire exploser l'amitié de ses pionniers et déclencher des affrontements aux enjeux colossaux...


Le subjectif : Question : qu'est-ce qui a révolutionné le monde depuis un peu plus de cinq ans ? Non, pas Nicolas Sarkozy. La réponse est : Facebook. Alliant technologie internet et réseau social, il a répondu à deux besoins de la société actuelle : être à la page, et être entouré. Facebook, c'est une révolution. Pas vraiment une révolution du point de vue d'une idée foncièrement nouvelle (Myspace ou d'autres sites communautaires partagent la paternité d'un concept de relations sociales sur la toile), mais une révolution sociale, quotidienne, et planétaire. A un moment, Marck Zuckerberg fait remarquer qu'un pays sous-développé a adopté Facebook. Une protagoniste fait alors remarquer : « ils n'ont pas d'eau, mais ils ont Facebook ». C'est exactement ça. Une claque monumentale sur tous les concepts et les dogmes qui prédominaient jusque là. Avec Facebook, le monde a basculé dans l'ère du sans intérêt. Et moins ce qu'on a à y raconter a d'intérêt, plus ça intéresse du monde. Une révolution, je vous dis.


Quoi de plus normal, donc, qu'un tel changement ait son heure de gloire sur grand écran. Ou, plus précisément, ses deux heures de gloire. D'autant que la petite histoire qui se cache derrière la grande avait tout d'un scénario pour le cinéma. Mis en ligne par un ado de 19 ans, Facebook a permis à Mark Zuckerberg de devenir le plus jeune multi-millardaire à seulement 25. Success story exponentielle, avec à la clé quelques procès et une communication pas toujours soignée : le jeune homme ne laisse plus indifférent. C'est sur cet accès à la célébrité explosif que David Fincher, (réalisateur habitué aux films cultes comme Seven ou Fight Club), va axer son long-métrage. Sur l'évolution d'un gamin brillant - extraordinairement brillant même - qui est passé du statut d'étudiant lambda à celui de créateur génial. Zuckerberg est devenu quelqu'un, tout simplement, en quelques clics.

Mark Zuckerberg, un homme qui n'en était pas un

Et quelques idées, pas forcément de lui d'ailleurs. Le film de Fincher raconte cette ascension à la gloire, avec tout ce que cela implique : filles, fortune, nouveaux amis, et nouveaux ennemis. Mark Zuckerberg n'a qu'un seul réel ami, son pote Eduardo « Wardo » Saverin. Il n'avait que lui, lui qui l'avait aidé à monter le concept « du » Facebook, lui qui voulait – en début de film – que son ami se confie suite à sa récente rupture sentimentale. Mais Mark Zuckerberg n'a pas l'amitié facile. L'image qui ressort du film de David Fincher est celle d'un homme pas tout à fait homme.



Tout d'abord car il donne l'impression d'être resté encore un peu (beaucoup) ado, avec ses sweets à capuche et ses tongs aux pieds. Ensuite parce qu'il semble si distant avec les problèmes de ceux qui respirent – pourtant – le même air que lui. La toute première scène est en ce point remarquable : il discute avec une fille (avec qui il sort), mais ne l'écoute pas vraiment. Il pose plusieurs questions en même temps, change de sujet quand son interlocutrice commence à répondre, etc. Elle le quitte, il reste assis là, puis prend son sac à dos, et la direction de sa piaule étudiante à Harvard. L'air toujours détaché et je-m'en-foutiste. Et la phrase de la fille continue de résonner, tandis que s'imprime sur l'écran le titre du film et, avec lui, l'ombre de l'histoire fantastique de Mark Zuckerberg qui se profile. Elle lui a balancé à la figure : « Tu vas passer ta vie à penser que les filles ne veulent pas de toi parce que tu es trop nerd, alors que ce sera juste parce que tu es trop con. »

Un film sur Facebook qui n'en était pas un

Problème d'égo ? Pourquoi Zuckerberg a-t-il créé Facebook ? Pour se venger de cette société qui le rejette ? Difficile à dire, et le film de David Fincher ne donne aucune réponse. Il nous montre sans arrêt un gamin perdu (formidablement rendu par un Jesse Eisenberg au jeu lunaire et décalé) et vraisemblablement mal dans sa peau. Les retours incessants vers la fille qui l'avait plaqué au début du film montrent en revanche que Zuckerberg a un vrai manque et besoin affectif. Et que la création d'un site capable de « matérialiser » des millions d'amis virtuels peut vouloir compenser un tel manque. Il n'en reste pas moins que The Social Network est plus un film sur la création de Facebook, et sur ce qu'elle a impliqué sur la vie de son créateur, que sur Facebook lui-même ou ses utilisateurs. C'est-à-dire nous.

En effet, le seul reproche à faire à ce film est qu'il est davantage un film de procès (au nombre de deux, ils fragmentent le long-métrage) qu'un film sur Facebook. On apprend quelques anecdotes sur l'incorporation de tel ou tel spécificités (notamment sur l'importance de la situation familiale : savoir si la fille est libre ou non), mais au final ce que filme David Fincher repose plus sur les relations entre les personnages, et donc sur le jeu des acteurs. Les liens qui se lient et se délient entre Mark (Jesse Eisenberg) et Wardo (Andrew Garfields), puis entre les deux (ex) amis et Sean Parker (créateur de Napster, incarné par Justin Timberlake, celui qui vient foutre la pagaille dans le duo), résume en fait à lui seul l'idée du film. Et son « slogan » : on ne se fait pas 5 millions d'amis, sans quelques ennemis. Alors tant pis si toutes les aspérités du site internet le plus socialement addictif ne sont pas rendues dans The Social Network. Il reste un film intéressant, remarquablement bien joué (la palme revient à Andrew Garfield, futur Spiderman et diablement convainquant) et doté d'une bande originale assez magique. C'est bien simple, à la fin de la projection on aurait presque envie de faire comme Jesse Eisenberg et s'acharner sur notre touche F5. Réactualiser l'image, et revivre ce moment. Témoin de notre époque.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...