mercredi 7 novembre 2012

| Avis ¦ Argo, quand Hollywood sauve l'Amérique
















Argo de Ben Affleck 


Thriller, drame, Américain, 2012, 1H59
Avec Ben Affleck, Bryan Cranston, John Goodman
Sortie le 7 novembre 2012 


(Oscar 2013 : Meilleur film - Meilleur scénario adapté - Meilleur montage)

L'objectif : Le 4 novembre 1979, au summum de la révolution iranienne, des militants envahissent l’ambassade américaine de Téhéran, et prennent 52 Américains en otage. Mais au milieu du chaos, six Américains réussissent à s’échapper et à se réfugier au domicile de l’ambassadeur canadien. Sachant qu’ils seront inévitablement découverts et probablement tués, un spécialiste de "l’exfiltration" de la CIA du nom de Tony Mendez monte un plan risqué visant à les faire sortir du pays. Un plan si incroyable qu’il ne pourrait exister qu’au cinéma.



Le subjectif : Argo raconte une histoire folle, celle d'une évasion d'une poignée d'Américains depuis un Iran très hostile à leur égard, grâce à l'intervention décisive et conjointe d'un agent de la CIA et de l'industrie du cinéma. Et comme beaucoup d'histoires folles, celle-ci est vraie. Elle se passe début novembre 1979, en pleine révolution anti-Chah d'Iran. Celui-ci, ayant "réussi" à fuir vers les États-Unis, provoque l'ire des radicaux qui veulent s'en prendre à tous les ressortissants à la bannière étoilée. Tout ce contexte historique est présent dans Argo non seulement parce que toute l'histoire du film est réelle, mais aussi parce qu'il est raconté (brièvement) pendant le générique d'ouverture. Subtilement, à l'aide de dessins et de photos d'archives. Ces mêmes archives qu'on retrouvera soit dit en passant, pour le générique de fin : histoire de boucler la boucle de l'histoire vraie. Bref, cette histoire est vraie, et passionnante.




Et derrière ce scénario trépidant et ancré dans le patrimoine mondial, on trouve Ben Affleck. Ben Affleck : la star des superproductions Armageddon, Pearl Harbor, Daredevil, l'ex de J-Lo... et aussi celui qui a fini par devenir "le frère de" Casey. Mais... Ce serait mal connaître Benjamin Geza Affleck, fidèle en amitié (Matt Damon, Kevin Smith) comme en amour (marié à Jennifer Garner après leur rencontre en 2001 pour Pearl Harbor, et père de trois enfants), et qui s'est surtout révélé brillant réalisateur. Pour Gone Baby Gone d'abord, offrant à son frérot un rôle à sa mesure. Pour The Town ensuite, installant avec ce polar pêchu son statut tout en haut de l'affiche. A chaque fois des adaptations de romans, co-scénarisées par l'acteur, qui se révèlent être des succès critiques. Alors quoi ? Peu après son second film, Ben Affleck a demandé le meilleur projet que la Warner avait à disposition, et il a eu Argo. Un scénario réservé depuis belle lurette à George Clooney (le réalisateur de Good Night & Good Luck, Les Marches du pouvoir, va finalement se contenter de le produire), et préparé par le jeune Chris Terrio (Heights), qui va finir par lui finir entre les mains. Ça tombe bien, l'acteur se dit passionné par le Moyen Orient, et au courant de la situation en Iran. Une chance pour son film, sans doute, qui n'a de cesse de rendre hommage à la vérité. A toutes les vérités.

Le pays tout entier a les yeux sur toi, mais il ne le sait pas... - Jack O'Donnell à Tony Mendez

Ainsi, Argo nous emmène en Iran, qui est sous le coup d'une révolution post-Chah, et profondément anti-américaine. Dans ce contexte, l'ambassade des États-Unis se retrouve rapidement débordée, puis "abordée". Les militants iraniens forcent les barrages de fortune, plient les forces armées et mettent à genoux (au sens propre) les ressortissants. La peur est palpable, la tension est très bien retranscrite à l'écran : de la "manifestation" à l'extérieur jusqu'à la prise d'assaut, violente et sans concession. Personne n'ose bouger, on entend : "A l'intérieur on est en Amérique, dehors on est en Iran". Malgré tout, dans ce vacarme, six Américains parviennent à s'échapper et à se cacher dans la maison de l'ambassadeur canadien. Dix semaines passent. Ce statu quo chancelant dure, mais, alors que l'Amérique sait que les révolutionnaires - qui occupent toujours l'ambassade - vont se jeter à la poursuite des ressortissants manquants, la décision est prise d'intervenir.



C'est dans ce contexte que la CIA fait appel à Tony Mendez, expert en exfiltration. Après plusieurs discussions vaines, où des costards-cravates étudient la possibilité de faire évader les six Américains à vélo, ou en les faisant passer pour des professeurs, l'idée de génie vient forcément de l'expert, incarné par Ben Affleck. Il dira notamment à ses détracteurs, qui ne pensent pas avoir besoin de lui : "L'exfil' c'est un avortement. On aimerait s'en passer, mais quand faut le faire, on ne le fait pas soi-même". Et cette idée, Tony Mendez l'a en regardant La Planète des singes. C'est décidé : l'exfiltration consistera à faire passer les six Américains, coincés en Iran, pour une équipe de tournage canadienne venue à Téhéran en repérage pour y tourner leur prochain film de Science-fiction... La machine se met alors en branle : d'un côté on suit les péripéties de Mendez (Affleck) qui cherche à monter un projet solide pour que son film soit crédible en dehors des sphères concernées, et de l'autre on retourne au quotidien suffocant des Américains cachés en Iran - où leur recherche progresse tous les jours un peu plus.

Argo... f*ck yourself ! - Lester Siegel, producteur, à un journaliste

D'un côté, on découvre avec bonheur John Chambers et Lester Siegel, expert en maquillage et producteur mégalo, interprétés par le génialissime John Goodman (The Artist, Red State récemment) et le surprenant Alan Arkin (le grand-père dans Little Miss Sunshine). De l'autre, on stresse grâce aux partitions sans faute des "six de l'ambassade"... Sans oublier les personnages-clés de la CIA, qui mènent toute l'opération "dans l'ombre", à commencer par l'immense Bryan Cranston (le papa de Malcolm, le papa dealer et cancéreux de Breaking Bad), qui campe le rôle de Jack O'Donnell, le supérieur de Mendez. Grâce à tous ces acteurs au poil (et je veux également parler de la barbe de Ben Affleck, totalement vraie et crédible, comme l'ensemble de son film - pas un petit argument en ce qui me concerne), on a les yeux rivés sur cette aventure démente et trépidante, extraordinaire et tellement bien menée à l'écran. Si l'acteur de Dogma et Mi$e à prix livre avec Argo son film "le plus ambitieux" (et on veut bien le croire), il réalise là, sans aucun doute, sa meilleure partition derrière la caméra. Avec une maestria du thriller dramatique qu'on avait déjà pu juger pour The Town, il nous laisse sans voix.



Au final, entre un thriller terriblement angoissant (de nombreux passages sont à couper le souffle, littéralement, comme ceux où la fausse équipe de tournage doit se confronter aux interrogatoires vicieux et musclés des révolutionnaires iraniens) et des répliques détonantes et hilarantes (surtout à trouver du côté du très en verve Alan Arkin, alias le producteur Lester Siegel, à qui on dit le déjà culte "Argo'ccupe toi de ton cul", ou "Argo f*ck yourself" en VO, quand on lui demande ce que signifie le titre du film ; ou "ton Ayatollah c'est rien à côté du syndic des scénaristes"...), Ben Affleck a semble-t-il trouvé la recette parfaite. Pour un film parfait, qui fait entrer Hollywood dans l'histoire de l'Amérique. Assurément - et jusqu'ici - le film de l'année. Et de loin.

1 commentaire:

  1. Super la critique,je vais aller le voir.
    Chantal,une "fan"de tes critiques

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