Green Room de Jeremy Saulnier
Thriller, épouvante-horreur, action, USA, 2015, 1H36
Avec Anton Yelchin, Imogen Poots, Patrick Stewart
Sortie le 27 avril 2016
Festival de Cannes 2015 - Quinzaine des réalisateurs
Si cette virée en enfer est aussi viscérale, c'est en partie grâce aux acteurs qui en campent les différents protagonistes. Les trois plus connus jouent aussi les trois personnages principaux. Le chanteur à la fois frêle et leader est interprété par Anton Yelchin (révélé dans le merveilleux Alpha Dog et membre important de l'équipage des nouveaux Star Trek), le rôle de la copine de la victime, elle aussi menacée de subir le même sort, est attribué à Imogen Poots (la jeune héroïne de 28 Semaines plus tard), tandis que l'immense Patrick Stewart (le professeur Xavier "vieux" de tous les X-Men) est Darcy Banker, le terrible chef du gang des méchants. On retrouve d'autres "gueules" connues, comme par exemple Joe Cole, qui joue ici un musicien courageux et qu'on a découvert dans l'excellente série Peaky Blinders. Bref, le casting est très bon, tout comme la fureur qui se déchaîne sur eux en une petite centaine de minutes. Poisseuse, âpre, vicieuse, la bataille rangée à laquelle se livrent les deux camps est souvent insoutenable, tous les coups étant bons, même les plus vils et bas, pour mettre à genoux l'ennemi. Pour réussir ce genre de film, la délivrance attendue par les héros doit être ressentie de la même manière par le spectateur. Si Green Room est inoubliable, c'est parce qu'il relève ce défi avec brio.
Captain America : Civil War de Joe et Anthony Russo
Avec Chris Evans, Robert Downey Jr., Scarlett Johansson
Sortie le 27 avril 2016
Pas vraiment. Car, premier problème, Civil War est avant tout un film Captain America, comme son titre l'indique. Comme dans le comics, l'idée de révéler l'identité des super-héros fait suite à un incident qui a provoqué la mort de nombreux Terriens : on suit les événements tragiques d'Avengers l'ère d'Ultron en Sokovie. Seulement, la "guerre civile" qui va opposer ses partisans et ses opposants va rapidement passer au second plan, laissant la place à une autre intrigue fondée sur Bucky, ancien compagnon d'armes et ami de Captain America, le fameux Soldat de l'hiver. Si on assiste avec plaisir à la formation d'une lutte épique entre l'équipe des "pour" (War Machine, Vision, Veuve noire) et celle des "contre" (Bucky, Le Faucon, Wanda Maximoff, Hawkeye) - chacune renforcée par trois nouveaux héros vraiment excellents (Black Panther et Spider-Man côté Iron Man, Ant-Man avec Captain America), on ne peut que se désoler de voir que cette guerre n'est qu'un prétexte à une bataille rangée entre tous ces personnages. Le résultat est attrayant et distrayant, et la fameuse scène de baston, dans un aéroport, est agréable. L'apport des nouveaux - l'hilarant Ant-Man, le jeune et débutant Spider-Man (pas sans défaut, mais on s'en satisfera), le puissant Black Panther - est indéniable. Mais l'ensemble est trop léger, trop éloigné du matériel d'origine, trop "déjà vu" pour nous combler pleinement. Sympa, sans plus.
Eddie the Eagle de Dexter Fletcher
Comédie dramatique, biopic, USA-UK-Allemagne, 2016, 1H45
Avec Taron Egerton, Hugh Jackman, Christopher Walken
Sortie le 4 mai 2016
Pour ne gâcher aucune surprise et parce qu'il en vaut la peine, je vais arrêter ici de raconter le film - film qui se déroule de façon chronologique et d'une manière tout à fait classique, faisant pour autant quelques entorses à la réalité. Feel-good movie typique centré sur la destinée sportive incroyable d'un héros ordinaire (le parallèle avec Rasta Rocket est inévitable, le défi est relevé), Eddie the Eagle se savoure avec un large sourire sur le visage et des étoiles plein les yeux (la faute à un récit qui tire quelques larmes, sans pour autant tomber dans le "pathos" facile). Ce destin est incroyable et le chemin du jeune Eddie tellement semé d'embûches et de coups bas (le rôle du père est très dur, par exemple), que le spectateur se laisse sans mal happé par cette joyeuse histoire euphorisante. Le mérite en revient évidemment à la véritable histoire et à la sincérité avec laquelle le réalisateur l'a traité (avec une mauvaise note technique pour les "effets spéciaux"), mais surtout à la BO et au casting. Le score et la bande-son sont euphorisants à souhait, et bourrés de chansons qui vous resteront dans la tête. Les acteurs sont justes (et) merveilleux. Dans le rôle titre, caché derrière des lunettes à double foyer et une prognathie effarante, Taron Egerton est méconnaissable. Face au jeune et impeccable interprète de Kingsman, Hugh Jackman campe le rôle de son mentor, Perry, un ancien sauteur à ski tombé en disgrâce et rencontré lors de son entraînement en RFA. A leurs côtés, on retrouve avec plaisir deux habitués du cinéma britannique : Jim Broadbent et Christopher Walken. Absolument tout pour s'envoyer en l'air, et passer un excellent moment.
Elle de Paul Verhoeven
Thriller, France-Allemagne, 2016, 2H10
Avec Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Anne Consigny
Sortie le 25 mai 2016
Festival de Cannes 2016 - Sélection officielle, en compétition
Son film est sulfureux et n'a laissé personne indifférent. Certains se sont d'ailleurs insurgés, arguant qu'un tel tableau, celui d'une femme semblant "minimiser" le viol dont elle vient d'être victime, faisait le jeu des violeurs, et ne pouvait être le fait que d'un misogyne. Je répondrais à ces critiques-là qu'ils n'y sont pas du tout. Ce serait considérer Elle pour ce qu'il n'est pas, pour un témoignage, un pamphlet ou un documentaire, et non comme une fiction, comme une étude artistique d'un personnage, d'une aventure particulière, si déviante et perturbante soit-elle. Car Elle nous parle d'une femme au passé tourmenté, à l'expérience personnelle justement personnelle : il ne veut jamais établir des généralités sur le comportement de femmes violées, ni excuser l'inexcusable. Ce serait adopter le même comportement que certains journaux américains en 1997 à propos de Starship Troopers, qui avaient traité Verhoeven et son film de fascistes, alors que celui-ci était au contraire une critique de l'impérialisme dangereux des Américains. Elle, lui, ne dénonce rien. Il nous propose en revanche un incroyable polar qui déroule son scénario avec une maestria remarquable (les violeurs potentiels qui défilent, le suspens qui grandit, la peur aussi). Thriller sombre mais également drôle (les scènes avec le chat, ou les "salut" merveilleux que l'héroïne lance à son ex-mari), parfois malsain mais jamais gratuit, toujours sincère et vraisemblable, servi par un casting impeccable (Huppert, mais aussi Consigny, Laffite, Berling, Effira...), Elle est avant tout un grand morceau de cinéma, sorti tout droit du génial Paul Verhoeven. Qu'on espère vite retrouver, peu importe les contrées.
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