mardi 14 juin 2016

| Avis ¦ La Nouvelle Vie de Paul Sneijder, chronique douce-amère d'une chienne de vie


La Nouvelle Vie de Paul Sneijder de Thomas Vincent

 

Comédie dramatique, France, 2016, 1H54
Avec Thierry Lhermitte, Géraldine Pailhas, Pierre Curzi
Sortie le 8 juin 2016


L'objectif : Suite à un rarissime accident, Paul Sneijder ouvre les yeux sur la réalité de sa vie de « cadre supérieur » à Montréal : son travail ne l’intéresse plus, sa femme l’agace et le trompe, ses deux fils le méprisent… Comment continuer à vivre dans ces conditions ? En commençant par changer de métier : promeneur de chiens par exemple ! Ses proches accepteront-ils ce changement qui le transformera en homme libre ?



Le subjectif : Entre deux ou trois films de super-héros, après un Festival de Cannes aussi éreintant qu'enthousiasmant, et alors que les sorties françaises s'additionnent dangereusement, je ne m'attendais pas à être surpris dans une salle obscure. Convaincu par de nombreuses critiques positives et ne sachant que faire d'autre de mon vendredi, j'ai malgré tout poussé la porte de l'un de mes deux cinémas cannois préférés (les locaux comprendront), décidé à découvrir l'aventure du héros campé par Thierry Lhermitte. D'abord happé par la beauté des plans fixes se succédant à l'écran, et qui mettaient en valeur un Montréal enneigé, j'ai ensuite été intrigué par l'histoire de Paul Sneijder. Ce fameux Paul Sneijder que le titre me présentait, et que je savais extirpé d'un bouquin du Toulousain Jean-Paul Dubois, Le Cas Sneijder. Happé, puis intrigué, pour finalement être ravi par le film de Thomas Vincent, émouvant et original de bout en bout, profondément humain et universel, tout en restant le récit d'une histoire personnelle douloureuse et particulière.



Cette histoire est donc celle de Paul Sneijder, à qui des événements récents ont poussé à imaginer une nouvelle v(o)ie possible. Travail, famille, patrie : tout est remis en cause. Coincé entre des personnages négatifs et/ou agressifs, et qui lui semblent néfastes pour son propre bien-être - même s'il s'agit de sa femme, ses deux fils et son avocat -, Paul éprouve le besoin de se poser, de respirer. Le besoin de revenir à des choses plus fondamentales, plus essentielles. Accidenté et blessé, on lui conseille de marcher longuement et souvent pour accélérer sa rééducation : il décide de devenir "dogwalker" ! Au grand dam de son épouse, mais pour notre plus grand plaisir et le sien, Paul Sneijder n'est plus le cadre supérieur, mari et père modèle au visage glabre, il se mue en grand et élégant promeneur de chiens, au ramassage de crottes chirurgical. Et alors que le pire lui est arrivé, et qu'il semble n'avoir jamais été aussi seul et perdu, il reprend goût à la vie. Au fil de rencontres aussi fortuites qu'improbables et déraisonnables, Paul Sneijder va reprendre, petit à petit, sa vie en mains. Et nous entraîner avec lui dans cette drôle et touchante aventure.

"Moi, si je devais résumer ma vie aujourd'hui avec vous, je dirais que c'est d'abord des rencontres.", Otis alias Edouard Baer dans Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre

Aidé par un Thierry Lhermitte au sommet de son art et qui n'a jamais semblé aussi vrai que sous son épaisse doudoune et sa chapka, le film retranscrit joliment toutes ces rencontres à l'écran. Et elles ne sont pas seulement "humaines". Tout ce qui touche, ce qui percute Paul Sneijder se gonfle d'une aura particulière, comme envoûtante. Qu'il s'agisse d'une urne funéraire ou d'un trophée de concours canin, d'une Jaguar de collection ou d'un carnet rempli de nombres premiers, tous les objets qu'il croise, bien souvent "à cause" de leur propriétaire, prennent vie, deviennent déterminants, et font formidablement sens à l'écran. Même constat du côté des chiens, superbes compagnons de route de notre héros mal rasé, qui le remettent debout au sens propre comme au sens figuré. Enfin, comment ne pas citer toutes ces personnes qui viennent modifier la trajectoire de Paul Sneijder, à l'image d'une navette cherchant à dévier celle d'une météorite menaçant la Terre dans un scénario de film SF. J'en retiendrais deux : le directeur de l'agence "Dog Dog Walk", au cerveau épris de chiffres et joué par le touchant Guillaume Cyr (le mono québécois de Nos Jours Heureux), et le propriétaire de la Jaguar (je n'en dévoilerai pas davantage), interprété par l'extraordinaire Pierre Curzi (Les Invasions barbares). Deux seconds rôles ô combien importants et bienveillants, sortes d'anges gardiens au milieu d'un océan de médisance et de méchanceté.



Tous ces objets, ces animaux et ces êtres humains prennent vie dans des décors sublimes. Très travaillés, les plans sont agréables et esthétiques. Idéalement remplis par le manteau blanc qui recouvre Montréal, les tableaux sont magnifiques - autant en extérieur qu'en intérieur, quel que soit le lieu, même exiguë. Finalement, si ce film avait un défaut, ce serait son abrupt dénouement. C'est certainement un ressenti personnel, il n'empêche que j'ai été frustré par ce satané écran précédant l'énoncé des noms martelés blanc sur noir. Bercé pendant près de deux heures au gré des folles envies et des mauvaises fortunes vécues ou subies par Paul Sneijder, j'ai été touché que toute cette agréable fable prenne fin si brusquement. Déçu, aussi, de ne pas voir matérialiser un plan que j'avais imaginé dans ma tête, avant que le rideau noir ne tombe sur la destinée chahutée de ce pauvre hère. La Nouvelle Vie de Paul Sneijder a peut-être d'autres tares (quoique), mais c'est cette frustration qui me reste en bouche. Peu importe, il faut le crier haut et fort : ce long-métrage est un formidable cadeau de cinéma. Une histoire poignante, parfois drôle mais souvent très dure, qui n'épargne personne, à commencer par son héros. Pour finir par ses spectateurs, qu'il laisse orphelins d'un compagnon d'aventure à la sincérité et l'humanisme bien trop rares sur grand écran.

2 commentaires:

  1. Thierry Lhermitte est plutôt surprenant dans ce film, il est au top. Le long-métrage est bien construit ; la réalisation, la mise en scène, le scénario et le choix des personnages, ils tous sont bien.

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    1. Effectivement, c'est exactement ça, c'est une excellente surprise :) Merci pour votre commentaire!

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