Il a déjà tes yeux de Lucien Jean-Baptiste
Comédie, France, 2016, 1H35
Avec Aïssa Maïga, Lucien Jean-Baptiste, Zabou Breitman
Sortie le 18 janvier 2017
L'objectif : Paul est marié à Sali. Tout irait pour le mieux s’ils arrivaient à avoir un enfant. Jusqu'au jour où Sali reçoit l'appel qu'ils attendent depuis si longtemps : leur dossier d'adoption est approuvé. Il est adorable, il a 6 mois, il s'appelle Benjamin. Il est blond aux yeux bleus et il est blanc. Eux… sont noirs !
Le subjectif : Longtemps, très longtemps même, Lucien Jean-Baptiste n'a été, pour moi en tout cas, qu'une voix. Il était le docteur Christopher "Turk", c'est-à-dire la doublure française du personnage incarné par l'acteur Donald Faison dans la (meilleure) série (humoristique) hospitalière de tous les temps, j'ai nommé Scrubs (2001-2008). Je sais, la VO c'est mieux, et patati, et patata. Mais à l'heure où le travail de doublage est bafoué sur l'autel du "starsystem" (Hanouna qui double Sausage Party, les YouTubeurs Wartek et Natoo et les footballeurs Griezmann et Matuidi - oui, oui - embauchés pour Lego Batman, etc.), il est important de rappeler et de révéler le nom de ceux dont c'est le métier. Lucien Jean-Baptiste, au même titre qu'Alexis Tomassian qui doublait JD, le comparse de Turk dans Scrubs, en fait partie. Mais ce n'est plus son seul "atout". Car comme nous l'avions vu l'an dernier avec DieuMerci!, Lucien Jean-Baptiste est également un comédien et un réalisateur de (grand) talent. Il le prouve une fois de plus avec Il a déjà tes yeux : un troisième long-métrage, sans conteste moins autobiographique que le précédent, mais toujours aussi maîtrisé et euphorisant.
Face à une actu pas toujours drôle, moins rose que morose, les comédies et "feel good movie" se multiplient, et c'est tant mieux. Cela dit, tous ne sont pas convaincants, et en attendant de découvrir L'Ascension, qui a fait sensation au dernier festival du film de comédie de l'Alpe d'Huez, Il a déjà tes yeux s'impose comme LA bonne surprise de ce début d'année. Pour tendre et détendre nos zygomatiques, Lucien Jean-Baptiste et sa co-scénariste Marie-Françoise Colombani sont partis d'une idée originale : un couple noir adopte un bébé blanc. Après avoir été interpellé par ce pitch de départ, pas nécessairement drôle en soi, et fortement aguiché par la bande-annonce et les premières images, j'ai eu un peu peur, je dois l'avouer. Peur que la suite tourne en rond, que la surprise et l'effet drolatique ne fonctionnent que sur le court terme. Peur que les fils et l'humour soient trop gros, trop faciles. J'avais tort. Non seulement on rit de bon cœur et souvent, mais, plus impressionnant, Il a déjà tes yeux a cette qualité rare de ne jamais cesser de se bonifier au fil du film.
Pour que la magie opère aussi bien, il fallait déjà une histoire qui tienne la route. C'est le cas. Si le postulat de départ semblait simpliste - Paul et Salimata adoptent Benjamin, et font face aux doutes et réticences de beaucoup de monde - l'évolution de l'histoire et la manière dont elle est traitée sont très intelligentes. Il n'est pas uniquement question de clichés blanc-noir - même si le film en profite pour s'amuser du retournement de situation -, Il a déjà tes yeux aborde nombre de sujets sérieux avec tact et brio. On sourit donc des différentes réactions que l'arrivée de la chère tête blonde provoque dans la vie de ses nouveaux parents, mais on en comprend aussi les origines, bien souvent avec émotion. De l'assistante sociale (excellente Zabou Breitman) aux parents de la maman, chacun a ses raisons d'être réticent, c'est évident. Le film traite remarquablement la chose, sans en faire trop (c'est une comédie), mais en ne se refusant pas à des études de personnages. Au final, si le rire et l'euphorie l'emportent, c'est que le portrait dressé de cette famille extraordinaire est plus profond qu'il n'y paraissait, et que le spectateur s'y est identifié. Les situations, si rocambolesques et hilarantes soient-elles, sonnent toujours juste, et procurent un bien fou.
Forcément, pour que ces sentiments nous parviennent, plus qu'un scénario qui tienne la route, ce qui frappe dans Il a déjà tes yeux c'est le casting : il est impeccable. En père de famille toujours optimiste bien qu'un peu dépassé, Lucien Jean-Baptiste est excellent. Son épouse, campée par la magistrale Aïssa Maïga, l'est tout autant, notamment dans une scène riche en émotion où elle laisse exploser toute la détresse d'une mère (é)perdue. "Face" au couple, on retrouve donc l’intransigeante Zabou Breitman, en "inspectrice" zélée, et l'immense Michel Jonasz, désormais fidèle du réalisateur. Les interprètes des parents de Salimata (Aïssa Maïga) ne sont pas en reste, tout comme Delphine Théodore, qui joue sa meilleure amie et qui était déjà de l'aventure DieuMerci! Mais la médaille d'honneur revient sans conteste au génial Vincent Elbaz, utilisé ici dans un registre complètement dingue. Il est Manu, ami lourd et miro de Paul, sorte de mix improbable entre Don Juan, Gaston Lagaffe et Pierre Richard ; un personnage très intrusif, limite boulet, et toujours surprenant. A l'instar du film, j'ai d'abord eu peur que le personnage d'Elbaz n'use et abuse de clichés, mais au final, l'un comme l'autre s'avèrent profondément vrais, humains et touchants. Un film à voir absolument, un acteur-réalisateur à suivre sans hésitation.
Face à une actu pas toujours drôle, moins rose que morose, les comédies et "feel good movie" se multiplient, et c'est tant mieux. Cela dit, tous ne sont pas convaincants, et en attendant de découvrir L'Ascension, qui a fait sensation au dernier festival du film de comédie de l'Alpe d'Huez, Il a déjà tes yeux s'impose comme LA bonne surprise de ce début d'année. Pour tendre et détendre nos zygomatiques, Lucien Jean-Baptiste et sa co-scénariste Marie-Françoise Colombani sont partis d'une idée originale : un couple noir adopte un bébé blanc. Après avoir été interpellé par ce pitch de départ, pas nécessairement drôle en soi, et fortement aguiché par la bande-annonce et les premières images, j'ai eu un peu peur, je dois l'avouer. Peur que la suite tourne en rond, que la surprise et l'effet drolatique ne fonctionnent que sur le court terme. Peur que les fils et l'humour soient trop gros, trop faciles. J'avais tort. Non seulement on rit de bon cœur et souvent, mais, plus impressionnant, Il a déjà tes yeux a cette qualité rare de ne jamais cesser de se bonifier au fil du film.
Euphorisant et intelligent
Pour que la magie opère aussi bien, il fallait déjà une histoire qui tienne la route. C'est le cas. Si le postulat de départ semblait simpliste - Paul et Salimata adoptent Benjamin, et font face aux doutes et réticences de beaucoup de monde - l'évolution de l'histoire et la manière dont elle est traitée sont très intelligentes. Il n'est pas uniquement question de clichés blanc-noir - même si le film en profite pour s'amuser du retournement de situation -, Il a déjà tes yeux aborde nombre de sujets sérieux avec tact et brio. On sourit donc des différentes réactions que l'arrivée de la chère tête blonde provoque dans la vie de ses nouveaux parents, mais on en comprend aussi les origines, bien souvent avec émotion. De l'assistante sociale (excellente Zabou Breitman) aux parents de la maman, chacun a ses raisons d'être réticent, c'est évident. Le film traite remarquablement la chose, sans en faire trop (c'est une comédie), mais en ne se refusant pas à des études de personnages. Au final, si le rire et l'euphorie l'emportent, c'est que le portrait dressé de cette famille extraordinaire est plus profond qu'il n'y paraissait, et que le spectateur s'y est identifié. Les situations, si rocambolesques et hilarantes soient-elles, sonnent toujours juste, et procurent un bien fou.
Forcément, pour que ces sentiments nous parviennent, plus qu'un scénario qui tienne la route, ce qui frappe dans Il a déjà tes yeux c'est le casting : il est impeccable. En père de famille toujours optimiste bien qu'un peu dépassé, Lucien Jean-Baptiste est excellent. Son épouse, campée par la magistrale Aïssa Maïga, l'est tout autant, notamment dans une scène riche en émotion où elle laisse exploser toute la détresse d'une mère (é)perdue. "Face" au couple, on retrouve donc l’intransigeante Zabou Breitman, en "inspectrice" zélée, et l'immense Michel Jonasz, désormais fidèle du réalisateur. Les interprètes des parents de Salimata (Aïssa Maïga) ne sont pas en reste, tout comme Delphine Théodore, qui joue sa meilleure amie et qui était déjà de l'aventure DieuMerci! Mais la médaille d'honneur revient sans conteste au génial Vincent Elbaz, utilisé ici dans un registre complètement dingue. Il est Manu, ami lourd et miro de Paul, sorte de mix improbable entre Don Juan, Gaston Lagaffe et Pierre Richard ; un personnage très intrusif, limite boulet, et toujours surprenant. A l'instar du film, j'ai d'abord eu peur que le personnage d'Elbaz n'use et abuse de clichés, mais au final, l'un comme l'autre s'avèrent profondément vrais, humains et touchants. Un film à voir absolument, un acteur-réalisateur à suivre sans hésitation.
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