vendredi 29 octobre 2010

| Avis ¦ Wall Street 2, Gordon Gekko ne dort jamais



Wall Street : l'argent ne dort jamais d'Oliver Stone


Drame, USA, 2010, 2H11
Avec Michael Douglas, Shia LaBeouf, Josh Brolin
Sortie le 29 septembre 2010


L'objectif : Wall Street, New York : en plein krach boursier de 2008, un jeune trader, Jacob Moore, est prêt à tout pour venger son mentor, que d'obscures tractations financières ont poussé au suicide. Il demande de l'aide à Gordon Gekko, le meilleur - et le pire - des gourous de la finance, qui vient de sortir de 20 ans de prison pour délit d'initié. Jacob va apprendre à ses dépens que Gekko reste un maître de la manipulation, et que l'argent ne dort jamais.


Le subjectif : C'est l'histoire d'un homme, Oliver Stone, et de son cinéma. Un cinéma profondément distant et pessimiste, qui s'acharne pourtant à décortiquer les sentiments de personnages en proie avec les doutes et indécisions de notre société. Oliver Stone, ce sont toujours de grandes fresques à hauteur d'hommes, mais sur lesquelles résonnent (et raisonnent) un contexte historique que le réalisateur veut montrer supérieur. Pour Stone, l'Histoire forme les hommes, et non l'inverse. Il est ainsi le cinéaste de présidents (JFK, Nixon et W.), celui d'événements tragiques (Platoon, Né un 4 juillet, World Trade Center) ou spécialisés (Wall Street, The Doors, L'enfer du Dimanche), qui ont pour point commun d'être tous ancrés dans la mémoire collective (américaine). Plus ou moins cynique, presque toujours critique, Oliver Stone dépeint alors notre époque, grâce à ceux qui la vivent. Des personnages à son total service qui paraissent souvent creux (on pense à Nicolas Cage dans World Trade Center, ou Colin Farrell dans Alexandre).


Dans sa guerre contre les maux que couvent notre société, un personnage, pantin de ses critiques, ressort du lot. Il s'agit de Gordon Gekko. Déifié il y a 23 ans avec le premier opus de Wall Street, ce requin de la finance est devenu – plutôt qu'un sale type à condamner – une sorte de figure du saint trader. Le voilà de retour, un quart de siècle plus tard, bien décidé à aider Oliver Stone à démonter le système banquier qui nous gouverne – et nous empoisonne – tous. Seul et ruiné, sortant de prison (l'image du personnage récupérant son énorme... téléphone portable reste dans les esprits), le Gekko compte bien se refaire une santé. L'ancien trader, brillamment joué par Michael Douglas (que l'on retrouve enfin dans un rôle à hauteur de son talent, ce qui n'était plus arrivé depuis The Game en 97), compte pour ce faire sur la sortie de son autobiographie. Mais ce n'était sans compter sur le coup de main du destin.

Allo papa, bobo

Une nouvelle version du golden-boy qu'il était jadis, Jake "Jacob" Moore, vient alors à sa rencontre. Fiancé à la fille de Gekko, Winnie Gekko (la superbe Carey Mulligan, géniale dans Une éducation l'année dernière, critique ici), le trader en herbe voit en lui un mentor, capable de lui faire franchir les échelons rapidement. Il veut également que Gekko le branche sur Bretton James (le toujours très talentueux Josh Brolin), qui a tout simplement ruiné sa boîte grâce à des rumeurs hostiles et conduit au suicide son patron (et accessoirement idole de Jacob, Louis Zabel, brillamment porté par Frank Langella). Bref, l'histoire se met en place tranquillement (voire lentement) pendant les premières minutes. Jacob Moore semble dans un premier temps moins accro à la finance que Gekko (il tente de promouvoir de l'énergie verte), mais on se rend compte que tout cela n'est prétexte qu'à une seule chose : make money.

Et c'est, au final, tout ce qu'Oliver Stone souhaite démontrer. L'argent contrôle les hommes, et leur joue forcément de bien mauvais tours. Quand bien même Jacob Moore parviendrait à obtenir satisfactions professionnelle et personnelle, la première étant construite sur des mensonges ne pourra pas assurer la pérennité de la seconde. Entre d'autres termes, à jouer au con opportuniste, Jacob Moore va se brûler les doigts, puis les ailes. Il va alors à ses dépends découvrir la vraie nature de Gordon Gekko, que le spectateur pensait avoir perdu pour finalement s'apercevoir que sa méchanceté caractérisée n'était en réalité qu'assoupie. Jacob aurait mieux fait d'écouter sa fiancée, qui lui avait pourtant bien dit que son père était un salaud (elle le dit dans la bande-annonce...) Vengeance, démons de l'argent, spectre de la trahison amoureuse... Oliver Stone mélange drame sentimental, émois de l'homme moderne avec données économiques.

Une morale qui ne dort jamais

Car si la mollesse d'une histoire d'amour vue et revue prédomine le contexte de Wall Street 2, le seul et unique intérêt du film se situe pourtant dans son plus grand point faible : la crise économique de 2008. Et attention, je parle de 2008 eu égard du téléphone portable du jeune héros, un BlackBerry Bold du plus bel effet, mais un peu daté par rapport aux nouveaux modèles de cette année... mais je m'égare. Retournons à nos moutons électriques : Oliver Stone s'évertue à décortiquer cette nouvelle catastrophe financière, cette « bulle » qui a éclaté et fait beaucoup de mal autour d'elle. Vocabulaire incompréhensible pour les non-initiés, longueurs interminables et discours bien-pensant, Oliver Stone échoue finalement alors qu'il avait l'occasion d'inscrire son film dans l'Histoire.

Ce n'est peut-être que partie remise. Les personnages, même s'ils apparaissent toujours aussi vides, et linéaires, demeurent crédibles. Bien que limitée et stéréotypée, l'histoire entre Jacob Moore et Winnie Gekko est touchante. Le mérite en revient aux acteurs, Carey Mulligan, donc, et surtout Shia LaBeouf, qui prouve de films en films qu'il a l'étoffe des grands. Mais la meilleure performance reste encore une fois celle de Michael Douglas, qui ressuscite et immortalise la saloperie suprême made in Gekko. Ce personnage a une âme, et il garde foi en ses convictions au long du film, fussent-elles mauvaises et condamnables. Qu'en est-il de la morale d'Oliver Stone ? Difficile à dire, si ce n'est, encore une fois, que l'argent ne fait pas le bonheur. Et si lui ne dort jamais, conseillons au réalisateur d'aller se reposer quelques temps, histoire de faire mieux la prochaine fois. Au lit...ver Stone !

2 commentaires:

  1. Pffff...jsuis sur le cul! T'écris trop bien!!
    Bisous frangin :)

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  2. oooooh merci !!! j'attendais des com', mais pas de toi, ça me fait suuuuper plaisir !

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