mercredi 17 mars 2010

| Avis ¦ Une Éducation, à l'ombre d'une jeune fille en fleurs


Une Éducation de Lone Scherfig


Drame, USA-UK, 2009, 1H35
Avec Carey Mulligan, Peter Sarsgaard, Alfred Molina
Sortie le 24 février 2010


L'objectif : Caressant l'ambition d'être admise à Oxford, une étudiante à l'aube de ses 17 ans s'éprend d'un homme dans la trentaine et découvre un mode de vie trépidant qui l'incite à remettre en question ses projets.


Le subjectif : Lone Scherfig, vous connaissez ? Le cinéma danois, le Dogme, etc. Non ? Pas étonnant, la réalisatrice n'a tourné qu'un film, Italian for Beginners, avant son Éducation. Nick Hornby, ça vous parle plus ? Peut-être pas, et pourtant : le monsieur est derrière de nombreux succès littéraires britanniques, comme Carton Jaune ou Haute Fidélité. Ce dernier, adapté par Stephen Frears en 2000 (avec John Cusack et Jack Black), a fini d'installer le bonhomme comme scénariste phare de la comédie romantique anglaise. Ces deux auteurs sont derrière Une Éducation, film qui a valu à son interprète principale, Carey Mulligan, deux récompenses de la meilleure actrice, et une nomination aux Oscars. Devancée par Sandra Bullock pour le gain de la statuette hollywoodienne, l'actrice londonienne n'est pas le seul atout de cette comédie dramatico-romantique d'initiation.


L'histoire, premièrement, est l'adaptation de celle de la journaliste Lynn Barber. Brillante étudiante qui se dirigeait tout droit vers Oxford, elle a succombé aux charmes de l'étranger, homme mûr et loin des contraintes et des règles imposées par la famille de l'adolescente. Carey Mulligan (25 ans) incarne donc cette lycéenne de 16 ans, en plein dans la crise d'identité et prénommée Jenny. Elle fume des cigarettes russes, lit de la littérature (Camus) et de écoute des chansons (Gréco) françaises, tout en vivant sa petite vie rangée mais rythmée par quelques folies : petit-ami et violoncelle. Elle joue de cet instrument - assez rare pour une jeune fille – pour satisfaire son père : avoir un hobby peut plaider en sa faveur pour entrer à Oxford. Tout, en fait, se résume à cette intégration, et à une possible réussite professionnelle. Désirant, de son côté, jouir de la vie et des moments présents, la jeune fille apprend le français et s'imprègne de la révolution naissante qui s'éveille outre-manche (nous sommes au début des années 60).

Face à cette magnifique Carey Mulligan (qui méritait certainement plus que Sandra Bullock l'Oscar), brille dans un tout autre registre un acteur tout aussi méconnu : Peter Sarsgaard. Brillant acteur et pas Danois, malgré son patronyme, le pote de Zach Braff dans Garden State a accumulé les rôles sans pour autant crevé l'affiche, fidèle à son caractère de bosseur silencieux. Dans Une Éducation, Peter Sarsgaard est étonnant et toujours juste. Il est touchant lorsqu'il se retrouve face à ses faiblesses, et remarquable quand il enivre de part ses talents d'élocution et Jenny (Carey Mulligan), et ses parents. L'autre acteur majeur de cette production est d'ailleurs Alfred Molina, qui joue le père de Jenny. Le Dr Octopus de Sam Raimi est lui aussi émouvant en père de famille, par moments très dur et à la fois tellement fragile face aux désirs d'émancipation de sa fille. C'est un second rôle extraordinaire, qui aurait lui aussi mérité une distinction. Dans l'ensemble, les autres acteurs suivent l'exemple : Dominic Cooper, qui joue l'ami de David (Sarsgaard), Emma Thompson qui est la directrice du lycée, et la mère de Jenny, interprétée par Cary Seymour. Un peu en retrait, la blonde Rosamund Pike qui est la « copine sans cervelle » de l'ami de David, qui a le rôle d'accompagner Jenny dans sa défloration.



Ces personnages secondaires (voire tertiaires pour certains) marquent un grand intérêt dans ce film. Tous ces rôles qui gravitent autour du couple illégitime vont apporter des regards différents et construire une vision kaléidoscopique de la réalisatrice. Sans juger elle-même ou donner son avis vis-à-vis des choix de Jenny, Lone Scherfig va laisser ce rôle aux acteurs « spectateurs ». Il y a par exemple le père strict et médisant qui va pourtant changer son fusil d'épaule (lui qui voulait à tout prix voir sa fille intégrer Oxford) dès qu'il sera question de mariage avec un homme influent. Il y a aussi l'enseignante de Jenny, qui s'apparente à tout ce que la jeune fille ne veut pas devenir et à qui elle reprochera de n'avoir pas vécu. Même, d'être morte. La directrice du lycée à qui Jenny se plaint de son enseignement dur et ennuyeux, les camarades de classes qui profitent de l'union de Jenny pour se fournir en produits interdits, ou encore le couple d'amis de David, sans oublier la mère, totalement muette et absente. Bref, le point de vue de tous sur l'alliance entre cette jeune fille de 16 ans et cet homme de 35 ans donne un savoureux portrait de personnages inversé.

Les attitudes du personnage principal évoluent néanmoins eux aussi, et là dedans réside tout le talent de Carey Mulligan. Tour à tour gauche, timide, espiègle, mutine, révoltée et rebelle, la jeune Jenny vit une véritable éducation de la vie. Apprenant de ses échecs, elle ne s'avoue jamais vaincue. Elle doit faire face à de nombreux contre-coups, mais sait malgré tout toujours ce qu'elle veut. Elle va demander à David de « l'aimer comme une adulte », mais au moment de s'apercevoir de ses erreurs, elle va se retourner vers son enseignante (qu'elle avait humilié, cf plus haut) en lui demandant de l'aide. Carey Mulligan et son personnage ne font véritablement qu'une tout au long du film, et on ne peut que saluer cette performance vraiment convaincante. Néanmoins, une chose peut surprendre. Alors que cette quête initiatique, ce véritable roman d'apprentissage s'attarde sur des détails, sur des à-côtés de la vie étudiante de la jeune fille, il s'arrête trop brusquement. Le spectateur peut se sentir frustré car la suite aurait été intéressante à traiter. Mais ne boudons pas notre plaisir, Une Éducation est déjà une belle peinture de la société anglaise du début des années 60. Preuve s'il en fallait de l'importance du contexte révolutionnaire qui a par la suite vu le jour, comme vu par exemple dans Good Morning England.

2 commentaires:

  1. Mais je comprends pas, j'ai lu partout qu'on ne savait jamais l'âge de David ! J'ai regardé le film en anglais sous titré anglais et je n'ai pas eu l'impression de l'entendre... Ou alors je l'ai peut être loupé. Mis à part ce détail, très bonne critique puis de toute façon ce film est GÉNIAL ! Oui monsieur !

    RépondreSupprimer
  2. Je n'ai pas vu le film et je ne suis pas sûr que l'âge du capitaine soit le plus important. En tous les cas, mon ami, ta critique est encore très bonne. Pour être franc, ce n'est pas le genre de film que j'irais voir d'ordinaire, mais tout comme avec Bright Star, tu as réussi à me donner envie de le regarder. Mais quel est donc ton pouvoir ?

    RépondreSupprimer

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...