Wolfman de Joe Johnston
Fantastique, épouvante, USA, 2008, 1H39
Avec Benicio del Toro, Anthony Hopkins, Emily Blunt
Sortie le 10 février 2010
L'objectif : À la fin du 19e siècle, un aristocrate anglais établi à New York revient au manoir familial situé dans un paisible hameau pour élucider le mystère de la disparition de son frère. Il découvre qu'une malédiction frappe sa famille.
Le subjectif : Quel beau mythe que celui du loup-garou. Un être mi-homme, mi-hideux, qui parcourt les bois toutes les nuits de pleine lune, pour se défouler les pattes, les griffes et avoir la panse pleine. Un monstre sociopathe qui ne peut, ni ne doit se lier d'amitié, d'amour ou autre (si tant est que ça puisse exister) avec son prochain, sous peine de lui prendre la vie. Une masse de muscles et de poils, de rage et de sang, qui bondit plus vite qu'un loup, qui beugle plus fort qu'un ours, et qui jamais ne se bourre la gueule le mercredi soir avec ses potes devant le foot. Cette chose existe, oui, dans certains livres de contes. Dans le livre de comptes de Benicio del Toro aussi, puisqu'il a souhaité – mais pourquoi ? - dépoussiérer un vieux classique du cinéma d'épouvante (1941). Sans prendre la peine d'en changer le titre – ni les effets spéciaux – voilà débarqué devant nos yeux médusés (comprenez : endormis) une sorte de film hybride. A mi-chemin entre fantastique et gore, piochant également un peu dans le mélodrame (non, je déconne), le film de Joe Johnston fait plus peur par la pauvreté de son scénario et du jeu de ses acteurs, que par son sujet : les loup-garous. Ou plus exactement, si l'on suit nos compères québécois, les hommes-loups. Tout un programme.
Et ils ne sont pas si bêtes, ces francophones-là. Littéralement, un « wolfman » c'est un homme-loup, le loup-garou étant communément appelé « werewolf ». Mais cela n'a que peu d'importance ici, le résultat restant le même : quoiqu'il soit, ce « wolfman » ne tient pas vraiment la comparaison avec ses ancêtres. Et des ascendants, Dieu sait qu'il en a eu. De la série télévisée pour ados (Le loup-garou du campus) à celle pour adultes (Being Human), en passant par les jeux vidéos (Bloody Roar, Wolfchild) et les animés (Wolf's Rain). Tout ça, bien entendu, sans parler de littérature (où le genre a fleuri dans la littérature médiévale) ni de cinéma, lieu rêvé et ultime où nos chers amis les bêtes (ou plutôt nos amis les bêtes qui aiment la chair) s'épanouissent en nous faisant grincer les dents. Sans être exhaustif (je ne parle que de ce que je connais), on peut citer ici : la série des Hurlements (initiée par Joe Dante, papa des Gremlins), les trilogies des Underworld (et plus particulièrement le 3, qui leur est dédié) et des Ginger Snaps (où la transformation de l'héroïne fait échos à ses menstruations, et donc au passage à l'âge adulte), le très moyen Van Helsing, le fantastique Dog Soldiers (création de Neil Marshall... réalisateur de The Descent), les blockbusters Harry Potter et Twilight (qui traite plus des loups que des loup-garou) ou encore Le pacte des Loups (qui vaut plutôt pour son ambiance, le côté historique et les réactions de ses contemporains)...
Tous ces films traitent du mythe du loup-garou plus ou moins en profondeur. Certains les considèrent comme des menaces (Dog Soldiers, Hurlements...), d'autres centrent leur histoire sur ces personnages fantastiques (Ginger Snaps, Underworld...). Mais aucun ne cherche à mettre à nu ce que ressent véritablement un homme changé en loup-garou, ses réactions et ce que cette transformation maléfique entraîne sur sa vie. C'était le cas du Wolfman de George Waggner en 1941, c'est le cas de celui de Joe Johnston presque 70 ans plus tard. En plus d'avoir des parents imaginatifs (appeler son fiston Joe – Joseph en réalité - quand on se nomme Johnston, ça relève du génie), le réalisateur texan a le sens de l'action et de l'ambiance d'aventure. Mine de rien, c'est lui qui est derrière Jumanji ou Jurassic Park 3 (oui bon...). Les grosses bêtes, c'est dire s'il les connait ! C'est d'ailleurs un point positif du film : la créature (ou plutôt les créatures) est très crédible. Mis à part le visage (je suis plus un adepte des faciès allongé type Dog Soldiers ou Underworld, mais chacun sa Bible), les transformations sont bien foutues. Pas aussi douloureuse que celle de Being Human, elle sonne vrai. Un comble pour un film de (ce) genre.
Pour le reste, c'est-à-dire quand même plus des ¾ du film, il n'y a pas grand chose à sauver de la gueule du loup. Attendu au tournant, Benicio del Toro paraît bien pataud, lourd sous son déguisement (celui de loup et l'autre) et finalement sans émotion. Encore une fois, l'acteur qui tire son épingle du jeu est le très courtisé Hugo Weaving, en version humaine comme en version fœtus-garou. Anthony Hopkins n'est pas mauvais non plus, mais le problème réside plus dans son utilisation dans le scénario. Sans rien révéler, l'ensemble est bien trop convenu, vu et revu. Concernant le rôle féminin, la sublime Emily Blunt (reluquée dans My Summer of Love il y a quelques années) est aussi insipide que son alter-égo masculin. Souvent niaise, le spectateur ne croit d'ailleurs jamais à leur histoire d'amour. Perdre son mari et se mettre en chasse de son frère une demi-journée plus tard, on ne voit ça que dans les Feux de l'amour.
Le soap américain a d'ailleurs un autre point commun avec le film de Johnston : sa lenteur. On meurt d'ennui la plupart du temps, allant jusqu'à espérer que les pleines lunes surviennent tous les soirs. Cela aurait pu être une solution (quitte à révolutionner le film original) pour apporter à Wolfman une intensité, une âme autre que celle d'un long-métrage qui se perd sans arrêt entre « journal intime d'un loup-garou » et « anatomie sanglante des paysans du 19e siècle ». Soit, entre étude de la condition d'un homme torturé et film gore et terrfiant. Ne réussissant ni l'un ni l'autre convenablement, il perd le public de l'un comme de l'autre. Dommage, de la part d'un acteur comme Benicio del Toro et avec un budget de 85 millions de dollars, on était en droit d'attendre mieux. Et c'est logiquement qu'à la vue du résultat, nous restons sur notre faim, les crocs pendant jusqu'aux babines. Bon, je me suis vengé sur le pop corn.
Je verserais presque une larme à la lecture de ta critique. Qu'est ce que tu dézinguebien et avec des arguments en plus ! J'adore cet étalage de culture. Encore une belle leçon d'écriture et de construction de papier.
RépondreSupprimerEn ce qui concerne le fond, je suis assez d'accord sur les incohérences du scénario. On dirait que le mec qui l'a écrit était shooté, mais avec de la très mauvaise came ! Quant à la réalisation, Joe Johnston devait avoir un train à prendre, tant il semble que ça a été fait dans l'urgence. Le jeu des acteurs ? J'ai du mal à écrire cette question sans sourire... Benicio del Toro est vraiment nullissime, je commençais à avoir des doutes depuis le Che (je n'étais même pas allé voir la seconde partie), mais là je suis fixé. Et Anthony Hopkins, bon dieu ! Mais qu'est-ce qu'il lui est passé par la tête quand il a accepté ce rôle ? Du moins dans ce film, parce que je suis convaincu qu'il aurait été très bon avec d'autres camarades de plateau et avec une bonne histoire (même pas meilleure, simplement bonne).
Je souhaite tout de même tempérer mon propos en concédant que l'ambiance est parfois excellente. La musique sait donner des airs de bon vieux film d'épouvante des années 1940 (pour en avoir vu quelques-uns ou entre aperçu des extraits), mais c'est loin de suffire pour relever le niveau !
Et le pire c'est que ce film ne fait même pas un bon nanard.
C'était cool "Le loup garou du Campus" !
RépondreSupprimerc'est clair Alex, il est juste ennuyeux à chier!
RépondreSupprimercontent que la critique t'ai plu, je me suis bien éclaté à l'écrire... c'est plus facile quand on connait le terrain quand même! ^^