vendredi 26 février 2010

| Avis ¦ Brothers, à larmes égales


Brothers de Jim Sheridan


Drame, USA, 2008, 1H45
Avec Tobey Maguire, Jake Gyllenhaal, Natalie Portman
Sortie le 3 février 2010



L'objectif : Sam et Grace forment un couple parfait et sont les parents de deux petites filles. Sam est envoyé par l’ONU en mission à l’étranger et confie à Tommy, son frère tout juste sorti de prison, le soin de s’occuper de sa famille. Lorsque Sam est porté disparu et présumé mort, Tommy et Grace se rapprochent contre toute attente. C’est alors que Sam revient du front…


Le subjectif : Avant de critiquer le film de Jim Sheridan, je m'étais fait une promesse : celle de regarder la version originale de Susanne Bier, sorti en 2004. Faute de temps et de courage, je ne l'ai pas fait. J'ai juste vu quelques passages en VF, pour voir comment Susanne Bier avait filmé la même histoire. Ayant vu ensuite quelques images des deux versions sur internet, je préfère me dire qu'il en est mieux ainsi. En effet, la ressemblance frappante entre les deux films me donne la quasi certitude qu'une des deux œuvres en serait sortie perdante. Revenons donc au Brothers de 2010...


D'entrée, le réalisateur, le casting et les quelques extraits aperçus dans les salles obscures en guise de bande-annonce ont laissé un goût de... trésor. Le réalisateur, d'abord. Jim Sheridan, irlandais de 61 ans, est l'auteur de six long-métrages, parmi lesquels My Left foot et Au nom du père, qui ont montré au monde Daniel D. Lewis, Get Rich or Die Tryin' (biopic de 50 Cent) et surtout In America. Magnifique petit film (autobiographique) sur l'intégration d'une famille irlandaise à New York, il révèle l'excellent Paddy Considine (Dead Man's Shoes, My Summer of Love) et consacre Sheridan sur le sol américain. Suit le trio d'actrice et d'acteurs : Natalie Portman, Tobey Maguire et Jake Gyllenhaal. On avait laissé le second entre les toiles de Spiderman, tandis que les deux autres nous préparent une année 2010 de folie. Natalie Portman joue Grace, la femme de Sam Cahill, avant de débarquer sur nos écrans en tant qu'actrice dans Black Swan de Darren Aronofsky, et comme réalisatrice d'un segment de New York, I Love You. Tout ça, sans parler de sa prochaine contribution à l'adaptation du best-seller Orgueil et préjugés et zombies, qu'elle produira et pour lequel elle incarnera en 2011 l'héroïne Elizabeth Bennet. Et donc Jake Gyllenhaal, à l'affiche en 2010 de Prince of Persia, qui joue le rôle délicat du frère « mauvais garçon » de l'histoire, Tommy.

Brothers est un magnifique film sur la guerre, et surtout sur les conséquences qu'elle engendre dans une famille. Même si Sam se retrouve totalement bouleversé par son expérience en Afghanistan, le film vaut surtout par les réactions des personnages périphériques : sa famille. Si le scénario peut se réduire aux attitudes des deux frères (comme l'indique le titre), il donne une grande places à d'autres protagonistes. Natalie Portman en tête, bien sûr, mais également les deux filles, qui ne reconnaissent plus leur père au point d'en avoir peur et de souhaiter qu'il soit mort au combat, et les parents. Le rôle de Sam Shepard est d'ailleurs en tous points formidable. La comparaison est peut-être mal habile mais cette relation triangulaire entre le père et ses deux fils, vis-à-vis de l'armée, me fait penser à L'oeil du Mal de D.J. Caruso. Un des deux frères a la reconnaissance du pater, l'autre est traité comme une merde, etc. Dans ce cas-précis, la figure de Sam Shepard rôde également comme une ombre sur celle de son fils engagé dans l'armée, Sam (Tobey Maguire). Une des idées du film consiste à se demander si le rejeton fera les mêmes erreurs qu'a commis son père, concernant notamment le fait de ne plus parler à sa femme et ses enfants.



Dans leurs rôles respectifs, les trois acteurs principaux tiennent la corde. Tobey Maguire est impressionnant dans ses changements d'attitude. Il paraît à tout moment pouvoir se transformer, devenir quelqu'un d'autre, emporté dans une sorte de rage terrible. Cette colère vient du fait qu'il pense que les autres ne peuvent pas comprendre ce qu'il a vécu. Cette pensée est, à mon avis, très répandue parmi les victimes de guerres, ou d'événements tragiques d'ampleur collective (comme la Shoah). Le personnage de Tobey Maguire préfère se renfermer sur lui-même ou retourner dans l'armée, seule à même de le comprendre. Il rejette toute personne qui ne connait pas sa souffrance. Il se passe la même chose vis-à-vis du devoir de mémoire juif. Les générations suivantes, qui n'ont pas vécues personnellement le génocide, se retrouvent privée d'un certain héritage collectif, dont ceux qui l'ont vécu les excluent. Plusieurs passages mettant en scène Tobey Maguire sont tout simplement ahurissantes. Comme celui, présent dans la bande-annonce, où son personnage se laisse menacer par les policiers. C'est beau, c'est fort, c'est violent. La musique se coupe et on sent, en même temps que le souffle de Sam s'entrechoquer, la folie qui s'empare de lui. Vidé de tout sens moral et de perception de la réalité. A ce moment-là, il est réellement prêt à mourir. Pas forcément parce qu'il a été trahi, mais parce qu'il sent, au plus profond de lui, qu'il ne pourra plus jamais retrouver la place qui était la sienne avant qu'il parte.

Dans un schéma opposé, on a Jake Gyllenhaal, qui va progressivement s'humaniser. Il va récupérer peu à peu le rôle de l'amant et du père laissé libre par son frère. Le malheur de l'un faisant le bonheur de l'autre, la disparition de son frère va provoquer chez lui une prise de conscience. Tout en restant dans son registre rude et marginal (qui évolue très lentement), il va se refaire une place dans la société, et au sein de la famille Cahill. Il va redevenir un beau-frère, un oncle et un fils. Grace, ou Natalie Portman, va elle subir les secousses de leurs états d'âme respectif. Elle est le fusible qui saute au gré et à l'envie de chacun. Elle est celle qui doit encaisser, et se taire. Sa prestation est remarquable de vérité et de sensibilité, comme souvent avec cette actrice. La guerre la fait changer elle aussi, même si elle calque ses réactions sur celles des deux hommes. Elle est un pilier prépondérant du film de Jim Sheridan, plus souvent adepte du film familial centré sur le père de famille.



Brothers est également un huis-clos fractionné en deux parties. Il y a d'une part la maison familiale, et de l'autre la prison dans laquelle est retenu Sam. Chacun de ces deux endroits va accueillir les scènes clés : en Afghanistan (je ne dirai rien pour ne rien dévoiler), et dans la fameuse cuisine où Sam détruit tout (comme on le voit dans la bande-annonce). C'est dans sa prison que la santé mentale de Sam se détériore, et c'est dans sa maison que son mal de vivre éclate. Parallèlement, c'est dans la maison que se scelle le destin de la famille, au travers de plusieurs épisodes qui rapprochent Tommy (Gyllenhaal) de Grace. Brothers montre l'opposition entre deux mondes : chaotique et désertique – métaphore de l'état dans lequel se plonge Sam, et chaleureux et créateur – qui donne à son frère la possibilité de retrouver le goût à la vie.

Finalement, Brothers est un film de ressentis, un film intimiste et fort. Il doit tout (ou presque) au jeu des acteurs, qui portent sur leurs épaules le message du film : les dégâts que peut produire une guerre. Sur une personne, Sam Cahill, et sur les changements qui en découleront chez tout son entourage. Brothers est un film de famille touchant, brut et vraiment, vraiment réussi. Il donne à réfléchir sur l'importance de la mémoire, sur l'isolation que peut provoquer un choc émotionnel, et sur les relations intra-familiales, bien sûr. C'est humain, percutant, ça touche aux tripes et c'est bien filmé, près des acteurs et de leurs émotions. Ce n'est pas un film choc ou idéaliste (Jim Sheridan n'apporte pas plus de réponses que Susanne Bier), mais c'est du cinéma, du vrai cinéma.

12 commentaires:

  1. J'ai des frissons en repensant à ce film. C'est vrai qu'il est puissant et il a créé chez moi un véritable malaise. Ces scènes où la musique est totalement absente sont d'une intensité rare. Tobey Mc Guire est flippant à souhait. Il est carrément pourri de talent ce mec. Rien à redire à ta critique.

    RépondreSupprimer
  2. J'ai peut-être oublié de mentionner le rapport de la société américaine avec ceux de ses soldats qui reviennent au pays, traumatisés. Mais ça aurait commencé à faire long...
    Pour le silence, c'est d'ailleurs toi à l'époque qui m'y avait fait penser.
    Tobey Maguire (il n'est pas écossais...) est talentueux, mais pas autant que les 2 autres à mon avis, qui ont des rôles plus délicats car moins expressifs que le mec sous le masque de Spiderman.

    RépondreSupprimer
  3. Vrai, mais il m' surpris dans ce rôle, même s'il est vrai que c'est plus "simple" de jouer un mec en colère.

    RépondreSupprimer
  4. Je sais pas si t'as vu mais j'ai changé mon système de notations... Du coup certains fikms ont été déclassés :
    DB Evolution : 1/5 --> 0/5
    Invictus : 2/5 --> 1/5
    IVUL : 3/5 --> 2/5
    Planète 51 : 3/5 --> 2/5
    Wolfman : 2/5 --> 1/5

    Cela me permet de donner plus de valeur à la note de 3/5 qui était galvaudée par le fait qu'il n'y avait pas de 0, et donc de créer une sorte de 2,5 (dans mon ancien système sans 0, le 2 actuel correspondrait à ce 2,5)

    RépondreSupprimer
  5. Putain Charles, je sais pas si c'est moi mais j'ai eu du mal à comprendre ton article, tu m'as perdue à plusieurs moments, j'ai eu du mal à finir de le lire ...

    RépondreSupprimer
  6. C'est un peu long mais à quel moment je t'ai perdu ?

    RépondreSupprimer
  7. Sur l'histoire du père, tu l'introduis en parlant d'une autre histoire, un livre je crois... Je comprenais plus qui était qui, puis avec ça aussi "la figure de Sam Shepard rôde également comme une ombre sur celle de son fils engagé dans l'armée, Sam (Tobey Maguire" ...
    Le fils s'appelle comme le père en fait ?! J'ai pas vraiment pigé là.

    RépondreSupprimer
  8. ah "l'oeil du mal"... c'est un film avec Shia Labeouf sorti l'an dernier

    et sinon c'est vrai que j'ai la facheuse habitude de mélanger nom d'acteur et nom de personnage. généralement je mets le nom de l'acteur quand celui-ci n'est pas très présent dans le film, ou si ce nom est plus parlant que le nom du personnage qu'il incarne.
    Sam, c'est Sam Cahill joué par Tobey Maguire.
    Sam Shepard c'est l'acteur Sam Shepard, qui joue le rôle du père dans le film...

    Mais tu as vu le film? C'est vrai que cela peut être confus...

    RépondreSupprimer
  9. lol non justement je n'ai pas vu le film, je vais me faire taper sur les doigts mais il ne me dit rien ... Pourtant j'aime les trois acteurs mais j'en ai un peu marre des histoires sur les traumatismes de la guerre etc. J'imagine qu'il doit être génial mais je suis pas d'humeur pour un drame ! J'ai envie de rire en ce moment !!!

    RépondreSupprimer
  10. Ben écoute, c'est ton droit si tu veux passer à côté d'un chef d'oeuvre... ^^
    Non mais c'est un drame c'est sûr et très très fort, donc je comprends que tu veuilles passer ton tour. Mais sache que, malgré tout, les passages "familiaux" avec Gyllenhaal et Portman sont très réussis. Et Avant le traumatisme, il y a une belle période où Tobey Maguire est normal, et où on apprend notamment les liens étroit qui unit les deux frères (voilà un autre truc que j'ai oublié dans ma critique, d'ailleurs).

    RépondreSupprimer
  11. Pour en revenir à ta nouvelle notation - qui n'est pas non plus révolutionnaire - ça me fait vraiment mal au cul que Invictus soit au même niveau que Wolfman. Je veux pas faire mon Falize, je partage évidemment ton avis à propos des scènes de rugby, mais elles ne sont qu'un maillon de la chaine et ça ne justifie pas une note aussi basse... Enfin, ce n'est pas le lieu pour discuter de ce film.

    RépondreSupprimer
  12. S'il n'y avait que les scènes de rugby...
    Si tu regardes ma grille de notation, Invictus est, au même titre que Wolfman, un "film moyen qui masque ses rares qualités (elles existent donc) par de trop gros défauts"

    RépondreSupprimer

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...