mercredi 3 mars 2010

| Avis ¦ Lovely Bones, le retour du roi Jackson

Lovely Bones de Peter Jackson


Drame, fantastique, USA-UK-Néo-zélandais, 2009, 2H09
Avec Saoirse Ronan, Mark Wahlberg, Rachel Weisz
Sortie le 10 février 2010 


L'objectif : L'histoire d'une jeune fille assassinée qui, depuis l'au-delà, observe sa famille sous le choc de sa disparition et surveille son meurtrier, ainsi que la progression de l'enquête...


Le subjectif : Quatre ans après le succès de son King Kong (qui a rapporté plus de 550 millions de dollars), Peter Jackson est de retour. Pas sur les traces de ses premières amours (qui furent plus des films crados et déglingués : Bad Taste, Braindead), il revient néanmoins en arrière, fuyant la folie des grandeurs de la Trilogie du Seigneur des Anneaux, et donc de King Kong. Avec Lovely Bones, on est plus dans la sensiblerie fantastique de Créatures Célestes (1994), le polar incongru de Meet the Feebles (1989) ou encore l'humour noir de Fantômes contre Fantômes (1996). Toujours plus à l'aise avec des choses qui n'existent pas (en témoigne son documenteur, ou faux documentaire sur Colin McKenzie : Forgotten Silver, 1995), Peter Jackson s'attaque ici à l'adaptation d'un livre d'Alice Sebold.


Au centre du film, il y a Susie Salmon (comme le poisson), remarquablement bien interprétée par Saoirse Ronan. Cette adolescente est victime d'un enlèvement qui tourne mal. Tout ça est dans le synopsis et, fatalement, l'issue de l'histoire est connue d'avance. Enfin, presque. Car à l'enquête policière (qui doit conduire le père, Mark Wahlberg, à connaître l'identité de l'assassin) s'ajoute la survie du personnage de Susie. Cette dernière « vit » dans un monde parallèle, féérique et très mystique, d'où elle voit tout ce qui se passe dans le monde réel. Les passages d'un monde à l'autre sont relativement fréquents, à tel point qu'on ne distingue pas vraiment où se situent le rêve des uns, et la réalité des autres. Cela peut paraître frustrant, mais d'un autre côté cette absence de frontières véritable porte la marque de fabrique de Peter Jackson, très à l'aise dès qu'il s'agit de conter le fantastique. Et, au final, la beauté de l'imaginaire du réalisateur l'emporte sur la lourdeur de certains procédés (les morts et les vivants se frôlent, pensent s'apercevoir, etc.). La couleur, décriée par certains, n'apporte en effet pas de véritable « monde à part ». Mais le but n'était pas là de créer un monde parallèle à la Silent Hill, mais bien de permettre aux personnages de se croiser, sans perturber le spectateur.



Ces différents points de vue sont une autre caractéristique du film, comme ils étaient un des points forts du livre original. Le problème, c'est que justement Peter Jackson perd parfois le spectateur en passant d'un point de vue à un autre. Susie, son père, son tueur, etc. C'est difficile de ne pas se perdre là dedans, ce qui conduit au véritable point faible du film : la mauvaise qualité de son aspect « thriller ». Les codes du genre ne sont que trop rarement bien utilisés. Reste seulement la scène dans la maison du voisin, où la sœur de Susie tente de dérober la preuve de sa culpabilité. A ce moment, on a l'impression d'être devant un thriller, avec le suspens et l'angoisse qui montent. Le reste du temps, l'enquête menée conjointement par Susie, son père et le policier n'émeut personne. Au contraire, certaines ficelles sont trop faciles et évidentes pour prendre au jeu le spectateur. Mais, encore une fois, l'essentiel n'était peut-être pas là. Vu que le coupable est connu depuis le début (à cause du point de vue de la victime, et de l'assassin), et que la seule motivation est celle du père, l'intérêt se meurt peu à peu. Même Susie perd progressivement son instinct de vengeance. Mark Wahlberg se bat alors dans le vide, et cette solitude se répercute dans son rôle, finalement assez terne, trop sobre. Fidèle à ce qu'il a pu réaliser dans Phénomènes.

Il faut dire que le producteur de la série Entourage a été appelé au dernier moment pour camper Jack Salmon, le père-enquêteur. Initialement, le rôle était pour Ryan Gosling, mais ce dernier a décidé, d'un commun accord avec Peter Jackson, de ne pas participer au tournage. Âgé de 26 ans, Gosling (Half-Nelson) ne faisait pas l'affaire, malgré sa barbe et la dizaine de kilos engrangés pour jouer dans Lovely Bones. Et si Mark Wahlberg l'a remplacé, c'est peut-être parce que le tournage avait lieu en 2007 en Pennsylvanie, soit à l'endroit où il venait de finir de tourner Phénomènes. De là à dire qu'il n'a pas eu le temps de sortir du rôle que M. Night Shyamalan lui avait confié... Cependant, Mark Wahlberg est bien secondé par Rachel Weisz, pas transcendante mais toujours juste. Son personnage est touchant, et le sort du couple est différent de ce que l'on peut voir habituellement. Leurs réactions sont opposées et intéressantes, et sans proposer d'énormes prestations d'acteurs, ils ne plombent pas le long-métrage. Lovely Bones reste pourtant trop en surface en ce qui concerne cette étude de sentiments. Un personnage apparaît également en dessous des promesses du film : le voisin pervers, joué par Stanley Tucci (Dr Moretti dans Urgences récemment). Il est pourtant nommé aux Oscars dans la catégorie meilleur second rôle.



Le film de Peter Jackson comporte pas mal de faiblesses, mais l'ensemble réussit le pari de l'émotion. On ne peut qu'être submergé par la beauté esthétique de Lovely Bones, et l'ambiance mélancolique qui s'en dégage. La musique en est en partie la responsable. A la baguette, on retrouve Brian Eno. Compositeur des plus grands artistes (U2, David Bowie, Coldplay, etc.), il donne à Lovely Bones une âme superbe. Deux morceaux de Cocteau Twins viennent conforter cette impression (Alice et This Mortal Coil), et donnent au film une dimension céleste. La technique de Jackson (le traveling aérien par exemple) est également de la partie, tout comme le jeu des acteurs (la petite est formidable, tout comme Susanne Sarandon dans un rôle hilarant et décontractant, tant pour les personnages que pour le spectateur). Et le résultat est inévitable, le spectateur est enchanté par ce beau, très beau film. Même avec toutes les plus mauvaises volontés du monde, on n'en ressort pas indemne...

Reste cependant l'autre point noir. La fin du film. Sans rien dévoiler, elle demeure très frustrante, quasiment à l'opposé de tout ce qui avait été développé jusque là. Peter Jackson semble vouloir insinuer qu'à la justice humaine il vaut mieux préférer la justice divine et le destin, qu'à la vengeance personnelle il vaut mieux préférer l'amour, etc. Cela sonne creux, mou et profondément convenu. Mais, comme dit plus haut, et au risque de me répéter, l'essentiel n'était peut-être pas là. Il faut voir, regarder et aimer ce Lovely Bones comme un retour à la poésie pour Peter Jackson, à l'humain et au sentiment primaire. Même si le sujet traité ne l'est pas avec la justesse nécessaire, même s'il n'est pas exempt de défaut, l'essentiel est peut-être là : faire rêver sa caméra.

2 commentaires:

  1. "Cette adolescente est victime d'un enlèvement qui tourne mal"

    Boah t'as déconné là ! Il savait qu'il allait la tuer bien avant de la séquestrer ! Sinon je suis d'accord avec toi sur toute la ligne, sauf sur un point, j'ai adoré (pour la première fois de ma vie) Mark Whalberg !

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  2. Oui, oui mais c'était pour pas dire qu'il la tue immédiatement... mais c'est vrai que je me suis mal exprimé. D'autant que c'est pas vraiment un enlèvement vu qu'il l'invite dans un endroit qu'il a créé pour les enfants du quartier...

    Sur Wahlberg je trouve pas qu'il joue mal, mais c'est vrai que la coïncidence avec Phénomènes est identifiable dans son jeu : on dirait qu'il n'est pas sorti de son rôle. Mais ce n'est en aucun cas un vrai reproche, vu que j'ai adoré Phénomènes ! ^^

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