Avec le Fight Fever, je tente de percer en six points les mystères de deux films, d'hier comme d'aujourd'hui, aux attentes et aux styles similaires.
Premier hors-série pour le SFF à l'occasion de cette magnifique fête qu'est Halloween... Et parce que sur Toxinémane on est des grands (enfants) malades, et puis aussi parce qu'aujourd'hui sort la version longue du Frankenweenie de Tim Burton, j'ai décidé de mettre à l'honneur deux films... d'animation ! D'un côté L’Étrange pouvoir de Norman (ParaNorman en VO), sorti fin août chez nous et premier film du duo Chris Butler - Sam Fell, mais pas de la boîte de prod' Laika Entertainment, déjà derrière le très encensé Coraline (2009). De l'autre Wallace et Gromit : Le Mystère du lapin-garou, de Nick Park, Steve Box et leur mythique studio britannique Aardman, aujourd'hui dispo sur Netflix, mais sorti sur nos écrans... pour Halloween 2005. Car je ne laisse rien au hasard !
Crouch, touch, pause... ENGAGE !
Autour du film
Comme souvent ces derniers mois, c'est grâce aux conseils et aux avis dithyrambiques de la twittosphère (et blogosphère ciné) que je me suis décidé à aller voir L’Étrange pouvoir de Norman. Ayant loupé il y a trois ans Coraline (de la même société de production), tout aussi plébiscité à sa sortie, et surtout fan devant l'éternel de l'animation en stop-motion (j'ai été nourri au "cheese & crackers" de Wallace et Gromit), j'avais à coeur de voir ce que valait vraiment ce ParaNorman (titre en VO). D'autant qu'avec un tel pitch (zoooooombies), le film de Chris Butler et Sam Fell a attisé ma curiosité. Et puis, après les "ressucées" indigestes de Madagascar et l'Âge de Glace, et un Pixar (Rebelle) qui m'avait laissé sur ma faim... J'attendais toujours LE film d'animation de l'année.
Entre un film unanimement salué au moment de sa sortie, et un autre qui attendait patiemment d'être dévoré par mes yeux après avoir été chéri en secret par mon coeur... C'est l'égalité parfaite : quatre seringues pour Norman et Wallace.
L'histoire
Le scénario de L’Étrange pouvoir de Norman tient en deux phrases : "Norman est un petit garçon qui a la capacité de parler aux morts. Celui-ci va devoir sauver sa ville d'une invasion de zombies." Deux phrases qui en disent long sur le potentiel du film, autant du point de vue comique et parodique (on imagine que le second degré sera au rendez-vous de cette épopée fantastique), que de l'effet cathartique. Car, outre les nombreux morts-vivants et autres fantômes, le personnage principal de l'histoire est Norman, un "petit garçon" solitaire et rejeté de tous (et pour cause : il a le pouvoir de parler aux morts) auquel le spectateur va vite s'identifier. Et si ce n'est pas le cas, il y en aura pour tous les goûts : de son camarade de classe ventripotent (et fier de l'être) et tout autant "paria", jusqu'à sa grande soeur en pleine puberté, en passant par les "petites frappes" de la ville, un jeune bodybuildé et décérébré, voire les fameuses créatures venues d'outre-tombe. Avec, en prime, une malédiction, des zombies, une sorcière-fantôme et tout un tas de rebondissements à hurler de rire... ou de peur !
En ce qui concerne le film de Nick Park et Steve Box, le contexte dans lequel baignent Wallace et Gromit ne change pas vraiment de leurs précédentes aventures. Si ce n'est qu'ici, les deux compères inventeurs profitent du Grand Concours annuel des légumes de leur village pour se transformer en chasseurs anti-nuisibles. Mais fidèle à sa réputation, c'est quand Walter tente de trouver une solution au problème de prolifération de ces lapins (en l'occurrence leur inculquer son goût pour le fromage et récupérer le leur pour les légumes) qu'il va créer... Le terrible lapin-garou. L'inventeur se mettant alors à la poursuite d'un "monstre" dont il est lui-même à l'origine, tout ça pour les beaux yeux de Lady Tottington, et sous la menace du terrifiant Lord Victor Quartermaine et de son non moins terrifiant bouledogue. De l'inédit qui repose sur des fondations sûres pour ce Wallace et Gromit : Le Mystère du lapin-garou, en somme.
Léger avantage pour le film de Butler et Fell, dont l'histoire trottait dans la tête du premier depuis plus de dix ans. Quatre seringues pour ParaNorman, trois pour Wallace et Gromit.
L'enfer des décors
L'univers de L’Étrange pouvoir de Norman se passe dans une petite ville de l'Amérique "profonde", qu'on imagine sans mal située pas loin de Portland, dans l'Oregon, camp de base du studio-mère Laika. On a droit aux bois effrayants, à la maison de l'oncle timbré (qui, lui aussi, voyait des fantômes et qui à sa mort, et c'est là que les ennuis de Norman commencent, lui lègue le soin de s'occuper de la "malédiction de la sorcière") et à tout ce qu'une vieille bicoque avec un macchabée dedans a de terrifiant, à la bibliothèque, à la petite ville de province et ses habitants provinciaux... Et tout ça sous le manteau de la nuit, épouvantable nuit qui n'en finit pas... Brrr...
Match nul entre deux univers à la fois originaux et réalistes, effrayants et hauts en couleurs (et souvent en noirceur). Quatre seringues pour chacun.
La réalisation
Derrière L’Étrange pouvoir de Norman, il y a deux "têtes pensantes" : le novice Chris Butler d'un côté, qui a également écrit le scénario, et le plus expérimenté Sam Fell de l'autre. Ce dernier a en effet déjà mis en boîte deux long-métrages, La Légende de Despereaux, et Souris City... du studio Aardman. Comme pour Coraline, qui était une "première" en la matière, la boîte de prod' Laika a fait son film en pensant à la 3D. En résulte une façon de faire vraiment propre à ce mode de projection en 3 dimensions, qui se réapproprie la nature-même du stop-motion, qui est le relief. Le spectateur se sent happé par l'univers qu'il observe - un peu à la manière de Wes Anderson pour son Fantastic Mr Fox. Il n'est pas non plus rare de voir des gros plans venir cadrer au plus près les mimiques de personnages criant de détails : il ne s'agit pas de faire la course au photo-réalisme (Norman a par exemple un œil plus gros que l'autre), mais bien de mettre en avant un savoir-faire, et de le faire savoir.
Pour ce qui est de Wallace et Gromit : Le Mystère du lapin-garou, on ne change pas une équipe qui gagne. Et en l'occurrence, qui gagne des Oscars. Nick Park, avant ce film, ayant déjà remporté trois statuettes dorées à Hollywood, pour trois de ses courts d'animation (nommé ET victorieux en 1989, tout comme en 93 et 95). A la différence de son adversaire, qui mise également sur le stop-motion, l'Anglais et son studio Aardman fabriquent leurs films en pâte à modeler. Il en résulte des imperfections visibles à l'écran, et un supplément d'âme comme il n'en existe pas ailleurs. Du reste, après plusieurs courts métrages, le réalisateur et ses acteurs-doubleurs, habitués aux personnages, savent où ils vont. La réussite comme le succès sont assurés. Pas étonnant, donc, que le film ait raflé l'Oscar du meilleur film d'animation en 2006 (devant Le Château ambulant de Miyazaki, et Les Noces Funèbres de Tim Burton). Pas étonnant, non plus, qu'une suite soit en préparation (sortie prévue au printemps prochain).
C'est peut-être subjectif, mais entre l'excellence et l'avant-gardisme du travail de Laika en matière de stop-motion, et l'expérience d'Aardman sur le même procédé, mais en pâte à modeler, j'opte pour le second. Mais on frôle le génie, donc cinq seringues contre quatre.
La critique
Avec L’Étrange pouvoir de Norman, l'amateur de films d'animation en stop-motion et de fantastique (zombies, contes de la cryptes et villages maudits compris) que je suis a été clairement servi. Des décors et des personnages à tomber, une histoire plutôt prenante quoique redondante par moments (et qui s'essouffle un peu, surtout après la "révélation" de l'intrigue) et surtout une atmosphère originale absolument démente (à mi-chemin entre Scoubidou pour le groupe de sauveteurs en herbes et leur van, et Zombie, pour... ses zombies) finissent de produire un divertissement de qualité et - je me répète - presque parfait sur la forme. Un nouveau seuil a été atteint pour l'animation en stop-motion, à n'en pas douter !
Sorti sept ans plus tôt (il faut le rappeler), et donc fatalement "en retard" du point de vue de la technique vis-à-vis de son adversaire du jour, Wallace et Gromit : Le Mystère du lapin-garou possède indéniablement - à mes yeux, mais pas que - d'autres atouts dans son jeu. Le premier est évidemment sentimental : je l'ai dit, et je le dis à nouveau, l'univers de Nick Park est fantastique. Déjà, à la base, les personnages de Wallace et Gromit sont attachants, drôles et anglais, tout simplement. Qu'ils partent sur la Lune pour y faire le plein de fromage, qu'ils doivent faire face à un dangereux criminel manchot, ou à un tueur de boulangers, ou qu'ils soient confrontés, comme ici à un inquiétant (et mystérieux) lapin-garou, ces deux personnages de pâte à modeler nous seront toujours sympathiques, et, surtout, nous feront toujours passer un agréable moment, entre rires et fous rires. Le must de l'animation, tout simplement.
Les deux films sont vraiment excellents, mais le choix du coeur a toujours raison, et dans cette catégorie, de toute manière, le subjectif prime. Cinq seringues pour Wallace et Gromit : Le Mystère du lapin-garou, contre quatre.
Le verdict
Là encore, pour ce Fight Fever "spécial Halloween" et films d'animation, nous avons un vainqueur. Sans trop de surprise... C'est Wallace et Gromit : Le Mystère du lapin-garou. Il parvient à faire la différence sur quelques points, mais c'est surtout à l'affect et aux sentiments qu'il remporte cet âpre combat (score total de 21 seringues à 20), face à un adversaire aux arguments techniques solides et à l'histoire originale absolument démente. On attend avec hâte les prochaines productions Aardman et Laika !
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