Le Territoire des loups de Joe Carnahan
Aventure, action, drame, USA, 2011, 1H57
Sortie le 29 février 2012
L'objectif : Comme beaucoup de ceux qui choisissent de vivre au fin fond de l’Alaska, John Ottway a quelque chose à fuir. De sa vie d’avant, il garde le souvenir d’une femme, une photo qu’il tient toujours contre lui, et beaucoup de regrets. Désormais, il travaille pour une compagnie pétrolière et protège les employés des forages contre les attaques des animaux sauvages. Lorsque le vol vers Anchorage qu’il prend avec ses collègues s’écrase dans l’immensité du Grand Nord, les rares survivants savent qu’ils n’ont que peu de chances de s’en sortir. Personne ne les trouvera et les loups les ont déjà repérés. Ottway est convaincu que le salut est dans le mouvement et que la forêt offrira un meilleur abri. Mais tous ses compagnons d’infortune ne sont pas de son avis et aux dangers que la nature impose, s’ajoutent les tensions et les erreurs des hommes. Éliminés par leurs blessures, le froid, les prédateurs ou leurs propres limites, les survivants vont mourir un à un. Ottway va tout faire pour survivre avec les derniers, mais quelle raison aurait-il de s’en sortir ? "Le Territoire des loups" nous entraîne aux confins du monde et d’un homme, à la découverte de ce qu’il y a en chacun de nous…
Le subjectif : Auteur, en 2002, de Narc, polar noir et percutant "à l'ancienne", Joe Carnahan s'est surtout fait (re)connaître cinq ans plus tard, grâce au survitaminé Smokin' Aces (Mi$e à prix chez nous), un "mindfuck"qui flirtait avec le Domino de Tony Scott. Le réalisateur et scénariste californien s'est ensuite fait remarquer à Hollywood, même s'il n'a pas réalisé Mission Impossible 3 faute de "divergences artistiques", en livrant la première adaptation sur grands écrans de L'agence tous risques. Deux ans après, Joe Carnahan revient avec un film d'hommes, Le Territoire des loups (The Grey en VO). Et, à en croire la bande-annonce et les avis dithyrambiques, c'est plutôt une bonne nouvelle.
Long-métrage d'aventure, mêlant paysages immaculés du Grand Nord, scènes d'actions incroyables et ambiance haletante, le film de Joe Carnahan, au budget famélique de 25 millions d'euros, entraîne son public dans un spectacle quasi permanent. Et immédiat. L'histoire de ce "survival" en pleine nature débute en effet par une tentative de suicide du héros – Ottway (Liam Neeson) – lourde de sens. Imaginez plutôt : celui grâce à qui la survie du groupe devient possible, le chasseur de loups qui protège les travailleurs, vient de tenter de mettre fin à ses jours. D'où une résonance particulière tout le long du film sur le combat contre la mort que mènent tous ces camarades d'infortune.
Alors qu'Ottway avait décidé de ne plus lutter, voilà que les circonstances vont le maintenir en vie. C'est grâce à la rage de survivre et la peur de mourir de ses compagnons, guidés par « toutes ces choses qui [leur] manquent et [leur] donnent la force de rester en vie », que ce personnage pathétique va devenir un héros. Mais ici, point de tableaux made in Hollywood, pas de grands discours ni de belles causes, on assiste seulement à une lutte impitoyable entre un environnement mortifère et une poignée d'hommes désemparés.
Men vs. wild
Car, comme souvent chez Carnahan, Le Territoire des loups est quasi exclusivement masculin. Outre Liam Neeson, qui avait déjà croisé le réalisateur dans L'agence tous risques, on retrouve des acteurs discrets mais talentueux, comme Frank Grillo (Nick Savrinn de Prison Break), Dallas Roberts (Walk the Line) ou Dermot Mulroney (Zodiac, J. Edgar). Ici, l'image féminine sert uniquement de mirage, de fantasme ou de rêve : elle est tour à tour l'hôtesse de l'avion qui va s'écraser, la femme qui remplit les visions d'Ottway (dans de saisissantes séquences de transition entre rêve et réalité), l'enfant que l'on veut absolument retrouver, ou la dernière prostituée que l'on a payé...
Le Territoire des loups est un récit épique et brut, servi par une mise en scène intelligente et efficace. La violence et la puissance de certaines séquences - incontournables de ce genre de film - n'ont d'égal que l'elliptisme avec lequel Joe Carnahan les traite. Paradoxalement, s'il existe bien des scènes de crash et de saut dans le vide, elles sont mises autrement en valeur que dans un film de Roland Emerich ou Michael Bay. La chute de l'avion, par exemple, est toujours filmée de l'intérieur. Si ces choix s'expliquent facilement par des raisons budgétaires, ils collent parfaitement avec l'esprit du long-métrage. Le spectateur vit au plus près des personnages, aussi bien enfermés dans l'appareil, qu'au beau milieu de l'immensité blanche et dangereuse qui les attend quelques kilomètres plus bas.
Et avec ces décors à couper le souffle, vient le protagoniste désigné par le titre français : le canis lupus. Loin d'être l'unique adversaire de notre pincée de survivants, ces loups deviennent rapidement leur plus grande crainte, devant le froid, le manque d'eau et de nourriture. L'animal est présenté ici comme une bête féroce mais également vicieuse, à la limite entre réalité et mythe. Le loup symbolise ce danger qui ne cesse de se rapprocher, alors que les hommes font tout pour s'en éloigner. Il peut aussi être mis en relief par rapport au héros, Ottway, puisqu'il est en quelque sorte sa raison de vivre. Jusque là payé pour les tuer, pour les chasser, il est devenu leur proie. Le rapport entre l'homme et l'animal s'articule comme un lien nécessaire, vital. C'est cette alchimie, cette alternance de vie et de mort, cette partition dure et viscérale entre l'homme et la nature qui rend Le Territoire des loups si magnifique à contempler, et à parcourir...
En guise de conclusion, le magnifique poème prononcé tout le long du film par le personnage interprété par Liam Neeson :
"Once more into the fray
Into the last good fight I'll ever know.
Live or die on this day
Live or die on this day."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire