mercredi 22 mars 2017

| Avis ¦ Going to Brazil, Patrick Mille et ses drôles de d(r)ames


Going to Brazil de Patrick Mille

  

Comédie, aventure, France, 2017, 1H34
Avec Vanessa Guide, Alison Wheeler, Margot Bancilhon
Sortie le 22 mars 2017



L'objectif : La folle aventure de trois copines invitées au mariage de leur meilleure amie au Brésil. À peine arrivées à Rio, elles tuent accidentellement un jeune homme trop insistant. Dès lors, tout s'emballe !



Le subjectif : En décembre dernier, grâce à l'association Cannes Cinéma et à la 29e édition des Rencontres cinématographiques, j'ai eu l'immense privilège de m'entretenir avec Patrick Mille - l'interview en deux parties est à retrouver par ici et puis par là - mais également la chance de découvrir en avant-première son dernier film, Going to Brazil. Fan de l'acteur, que j'ai notamment adoré dans 99 Francs ou La Jungle, je ne savais pas vraiment quoi attendre de son deuxième long-métrage, cinq ans après le drame intimiste Mauvaise fille, très bonne adaptation du livre du même nom de son épouse Justine Lévy. Très rapidement, pourtant, j'ai été conquis par la fraîcheur, l'énergie communicative et la force humoristique de cette comédie à nulle autre pareille. Et pour cause ! Sous ses airs noirs de virée chaotique où les dangers et les drames s'accumulent dans le voyage de trois jeunes Françaises invitées au mariage d'une quatrième amie au Brésil, Going to Brazil invite à rire. Non pas par accident, mais par maîtrise d'un genre. Un genre généralement propre à nos voisins anglo-saxons et auquel la France rechigne à se risquer, préférant les bons mots et autres vannes faciles.


A la "comédie française formatée", Patrick Mille préfère en effet l'humour noir plus "british", c'est-à-dire qu'il privilégie le rendu comique des actions de ses personnages, à ce qu'ils pourraient bien dire de drôle. Le comique de situation plutôt que le comique du verbe. Et le résultat fonctionne parfaitement. D'abord, grâce à l'histoire imaginée par Patrick Mille et son co-scénariste Julien Lambroschini. D'une situation quasi paradisiaque où nos quatre héroïnes s'amusent entre fêtes privées, mariage friqué, plages de sable fin et cocotiers, l'intrigue vire au drame. D'une situation sous contrôle, le quatuor bascule dans un chaos incroyablement dangereux, et toujours plus déjanté. Et si cette surenchère de galères peut faire penser au premier abord à un Very Bad Trip au féminin (ou à Rough Night, avec Scarlett Johansson, qui sortira en juin prochain), il se distingue par la qualité de son humour - noir, absurde et un peu vulgaire -, par son influence "tarantinesque", par ses personnages et notamment les personnalités attachantes de ses jeunes héroïnes, et par la dimension follement épique et réjouissante d'un road-movie brésilien, de Rio jusqu'à l'Amazonie.

Monsieur Hervé, "accélérateur de comédie"

Il y a donc d'abord l'humour, qui évolue tout au long du film, qui s'insinue au cœur du drame vécu par les quatre héroïnes. On repense par exemple à cette scène de discussion entre deux amis brésiliens qui s'interrogent sur la provenance et la marque d'un parfum, alors que ladite fragrance s'échappe en réalité d'un cadavre en décomposition placé au dessus de leurs têtes. Il y a aussi du burlesque, de l'absurde, et beaucoup de folie, notamment à travers des personnages secondaires. Augusto, le terrifiant beau-père, Hector, la "maîtresse" d'un gang de favelas, et puis Monsieur Hervé, l'agent consulaire interprété par Patrick Mille "himself". Reprenant les mots de Francis Weber, le réalisateur qualifie ce personnage - qui lui va comme un gant - d'accélérateur de comédie : en le voyant, on sait qu'on va passer un bon moment. Aimant les bons mots, s'extasiant devant les péripéties vécues par les quatre jeunes Françaises venues pourtant lui demander de l'aide, il ne cesse de paraître décalé, bigarré et tout sauf sérieux. On doit notamment à ce Monsieur Hervé une des scènes les plus drôles de Going to Brazil, lorsque Patrick Mille, une glace à la bouche, échange de longs regards langoureux et évocateurs avec le personnage d'Alison Wheeler...



Si Patrick Mille se régale dans son personnage, le reste du casting n'est pas en reste. Outre la partie "brésilienne" - composée d'acteurs de grand talent, notamment Chico Diaz qui joue Augusto -, le quatuor d'actrices françaises est vraiment convaincant. Sélectionnées avec attention par le réalisateur (voir interview), elles forment un groupe solidaire mais pas uniforme, incarné par quatre filles à la personnalité marquée. Vanessa Guide est une jeune mariée enceinte jusqu'au cou et amoureuse, Margot Bancilhon campe une croqueuse d'homme au tempérament bien trempé, tandis qu'Alison Wheeler et Philippine Stindel jouent deux sœurs, la première réservée et prude, la seconde exubérante et agressive. Pour autant, et c'est ce qui fait la force de ces personnages, aucune n'est enfermée dans une caricature, chacune se révèle, petit à petit, plus complexe. Enfin, l'autre grand protagoniste du film est le Brésil. Si Going to Brazil est un long-métrage aussi "dingue" et réjouissant, il le doit à ses paysages, à ses décors naturels merveilleux, tout comme à l'environnement atypique de ce pays. C'est aussi grâce au Brésil, plein de surprises, que le film de Patrick Mille est une comédie d'aventure si réussie, exaltée et exaltante.

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