samedi 18 mars 2017

| Avis ¦ T2 Trainspotting, retour vers l'imparfait


T2 Trainspotting de Danny Boyle

 

Comédie dramatique, policier, USA, 2017, 1H57
Avec Ewan McGregor, Ewen Bremner, Robert Carlyle
Sortie le 1er mars 2017


L'objectif : D’abord, une bonne occasion s’est présentée. Puis vint la trahison. Vingt ans plus tard, certaines choses ont changé, d’autres non. Mark Renton revient au seul endroit qu’il ait jamais considéré comme son foyer. Spud, Sick Boy et Begbie l’attendent. Mais d’autres vieilles connaissances le guettent elles aussi : la tristesse, le deuil, la joie, la vengeance, la haine, l’amitié, le désir, la peur, les regrets, l’héroïne, l’autodestruction, le danger et la mort. Toutes sont là pour l’accueillir, prêtes à entrer dans la danse...



Le subjectif : Comme un symbole, T2 Trainspotting débute par une chute. Celle de Mark Renton, joué par Ewan McGregor et héros du premier film sorti en 1996. Visiblement plus affûté qu'il y a vingt ans, "Rent-Boy" (littéralement "jeune prostitué") se prend pourtant les pieds dans un tapis de course rutilant dans une salle de sport qui l'est tout autant, avant de s'effondrer lamentablement. Si ma première réflexion a été d'y voir une petite "vengeance" de Danny Boyle à l'égard d'un acteur qui a longtemps refusé de tourner la suite de Trainspotting - à cause notamment du film La Plage et du choix du réalisateur de lui préférer DiCaprio -, il ne fait aucun doute que la culbute avait plus valeur de métaphore. D'autant que quelques minutes plus tard, c'est un autre personnage principal de l'histoire, le terrible Begbie (Robert Carlyle), qui choit à son tour. Deux chutes, l'une accidentelle et ridicule, l'autre volontaire et causée par de mauvaises intentions, qui font office d'entrée en matière savoureuse et pleine de sens. Deux chutes qui précèdent la présentation de deux autres membres du premier long-métrage, Spud (Ewen Bremner) et Sick Boy (Johnny Lee Miller). Deux chutes qui introduisent, enfin, la suite tant attendue d'un film qui a marqué toute une génération autant qu'il a lancé la carrière de son réalisateur. Un film auquel on ne croyait plus, la faute à la brouille Boyle-McGregor, mais qui a fini par se relever et se présenter devant nos yeux. Heureux.


Après la chute, le retour à la maison. Suite à sa "trahison", son vol et sa fuite à la fin de Trainspotting, Renton revient chez lui. Vingt ans après, le revoilà dans la magnifique capitale écossaise Édimbourg : d'abord chez son père, qui a perdu sa femme (superbe plan autour d'une table où un jeu d'ombre remplace la mère), puis auprès de ses anciens camarades, plus ou moins ravis de le retrouver. Toujours aussi violent et incontrôlable, Begbie est en prison, mais sur le point de s'évader. Sick Boy est encore dans les arnaques, mais cette fois il joue au maître-chanteur avec l'aide de Veronika, une prostituée bulgare. Et enfin Spud, certainement le plus attachant. Personnage foncièrement gentil et crédule, en apparence simplet, il était le seul à qui Rent-Boy avait filé sa part du butin. "Camé depuis quinze ans", il n'a plus de lien ni avec son fils ni avec sa mère, et a conservé ce costume de "loser" sympathique qui semble lui coller à la peau. Entre maladresse et sincérité, il tente par exemple d'expliquer toutes ses déconvenues par sa non-connaissance du passage à l'heure d'été, ce qui lui fait inexorablement arriver en retard à chacun de ses rendez-vous. Dépité, désœuvré, Spud va finalement tenter d'attenter à ses jours, ce qui donne lieu à l'une des plus grandes scènes (métaphoriques) de T2 Trainspotting.

Pour nous

Une poche plastique sur la tête, Spud est sur le point de suffoquer seul dans son appartement, mais Danny Boyle nous le montre également sur le toit de son immeuble, basculant dans le vide. Juste avant qu'il ne touche le sol, Renton débarque chez lui et le saisit au vol : il arrache le plastique et lui sauve la mise. A l'image de la vie, la séquence est à la fois magnifique, grâce à la mise en scène, aux effets visuels et à la musique, et repoussante, la faute à un "accident vomitif". Et puis, il s'agit d'une troisième chute, cette fois-ci stoppée par Rent-Boy, qui illustre à merveille la relation spéciale entre les deux hommes. Enfin, comme le reste du film nous le confirmera, elle témoigne de l'excellent talent d'acteur d'Ewen Bremner. Sa performance confère au personnage de Spud un supplément d'âme et de générosité bienvenue au milieu de tous ses congénères qui mériteraient la mention "tous pourris". Les retrouvailles "musclées" de ces derniers donnent d'ailleurs lieu à des scènes géniales, comme la baston dans le bar entre Sick Boy et Renton, ou la course poursuite entre ce dernier et Begbie. D'autres passages sont tout aussi jouissifs, comme lorsque Sick Boy et Renton expliquent à Veronika ce qu'étaient les années 70, grâce notamment à George Best. Il y a également des instants sous héroïne où la signature esthétique fait penser au premier film, et un prodigieux monologue de Rent Boy sur le célèbre "Choose Life". Grâce aux attitudes et réactions différentes de ses protagonistes, Danny Boyle traite de la nostalgie et du temps qui passe - pour eux, comme pour son cinéma.


L'autre point fort du film est, comme d'habitude avec le réalisateur, la qualité de la BO. Cohabitent sans sourciller : Blondie, Queen, The Clash et Run DMC, sans oublier Iggy Pop et Underworld qui "proposent" une nouvelle version des deux titres incontournables de Trainspotting, à savoir Lust For Life pour le premier et Slow Slippy (ex-Born Slippy) pour le deuxième. C'est rythmé et musicalement électrisant, c'est superbement travaillé, découpé et mis en scène - et ça vient conforter tout le bien qu'on pensait de l'immense Danny Boyle -, c'est drôle (Spud qui s'essaie à la boxe) et touchant (Spud qui s'essaie à l'écriture), c'est intelligent (le rôle du passé dans notre vie, notamment à travers Renton, qualifié de "touriste dans sa propre jeunesse"), et c'est bourré de clins d’œil (le personnage joué par McGregor qui se fait courser par un vigile puis renverser par une voiture dans des plans qui font directement écho au premier Trainspotting). Bref, ça parle de types qui ont vingt ans de plus mais qui sont toujours aussi paumés et "imparfaits", et ça nous parle à nous, spectateurs de leurs premières aventures édimbourgeoises. Ce film aurait très bien pu s'appeler Porno, du nom de la "vraie" suite écrite et publiée en 2002 par Irvine Welsh (qui retrouve le personnage de Mikey à l'écran), mais il aurait tout autant pu être titré "Pour nous".


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