lundi 6 mars 2017

| Avis ¦ Split, la personne aux 24 personnes


Split de M. Night Shyamalan

 

Thriller, fantastique, épouvante-horreur, USA, 2016, 1H57
Avec James McAvoy, James McAvoy, James McAvoy   
Sortie le 22 février 2017


L'objectif : Kevin a déjà révélé 23 personnalités, avec des attributs physiques différents pour chacune, à sa psychiatre dévouée, le docteur Fletcher, mais l’une d’elles reste enfouie au plus profond de lui. Elle va bientôt se manifester et prendre le pas sur toutes les autres. Poussé à kidnapper trois adolescentes, dont la jeune Casey, aussi déterminée que perspicace, Kevin devient dans son âme et sa chair, le foyer d’une guerre que se livrent ses multiples personnalités, alors que les divisions qui régnaient jusqu’alors dans son subconscient volent en éclats.



Le subjectif : Son retour sur le devant de la scène, M. Night Shyamalan l'a amorcé fin 2015 avec le remarquable The Visit, aussi surprenant par sa qualité que par son côté dérangeant. Ce film d'épouvante ne ressemblait à aucun autre, et c'était une excellente nouvelle tant cette caractéristique définit (en partie) le cinéma du réalisateur. Qui n'a pas tressailli devant Sixième Sens et son implacable "twist" final, ou ne s'est pas extasié devant l'histoire totalement novatrice de super-héros servie dans Incassable ? Leur singularité, au-delà de leur capacité à créer la surprise et/ou l'effroi chez le spectateur, était de mêler les genres, d'inviter le surnaturel dans notre quotidien, de brouiller les pistes tout au long du film afin de mieux saisir lors de son dénouement. Certes, le cinéaste né en Inde s'est quelque peu perdu après ses (deux) premiers succès. Pas forcément en proposant de mauvais films (j'ai beaucoup d'affection pour toute sa filmo, hormis pour l'indigent After Earth, le seul qu'il n'ait pas scénarisé et cela ne peut pas être une coïncidence), mais en déclinant une idée et un format qui a fini par lasser. Le concept de "révélation ahurissante" avait ses limites. Tout comme - a-t-on pensé à tort - le cinéma de M. Night Shyamalan. Avec The Visit, donc, et surtout Split qui nous intéresse aujourd'hui, le réalisateur nous prouve - et paradoxalement c'est là aussi une vraie et réjouissante révélation - qu'on s'était bel et bien planté. Twist !




Il faut dire que les premiers teasers de Split annonçaient la couleur. Le pitch, audacieux, d'un prédateur aux multiples personnalités, avait de quoi intriguer, et faire saliver. Surtout, connaissant le goût prononcé du réalisateur pour les écrans de fumée, on pouvait se douter qu'il ne s'agirait pas "seulement" de rapts de jolies et jeunes filles, comme montré dans la bande-annonce. Rapidement, nos pressentiments se confirment : l'histoire du treizième film de Shyamalan est celle de Kevin, l'agresseur, mais surtout celle des 23 hôtes qui habitent et se disputent le contrôle de son corps. Le réalisateur s'attaque ici au passionnant mais délicat sujet des troubles dissociatifs de l'identité (TDI), et adapte d'ailleurs (librement) le "cas" de Billy Milligan. Cet Américain, né en 1955 et décédé en 2014, a "hébergé" 23 personnalités, chacune ayant des goûts, des facultés ou des pathologies totalement différentes. Il a surtout commis des viols sur plusieurs étudiantes sous l'influence de deux de ses "hôtes", avant d'être diagnostiqué atteint de TDI, d'être interné et de devenir, plus tard, le "héros" de deux livres. M. Night Shyamalan ajoute à cette "histoire vraie" une bonne dose de fantastique, en se posant cette simple question : s'il est avéré que certaines personnalités ont la capacité de devenir physiquement ce qu'elles pensent être (diabétiques, gauchère, fumeur, enfant de 8 ans, etc.), que se passera-t-il si l'une d'entre elle revendique des aptitudes surhumaines ? C'est le cas de "la bête" qui hante la tête de Kevin et crée le débat entre ses 23 identités.

Shyamalan en forme, McAvoy hors normes

Avec cette histoire à la fois effrayante et fascinante, le réalisateur capte instantanément le spectateur. Et il faut dire qu'il est bien aidé par l'extraordinaire performance d'acteur de James McAvoy, qui plus est souvent filmé en gros plan. "Incarnant" tour à tour un créateur de mode, une femme, un enfant de 9 ans, ou un malade souffrant de TOC, l'excellent acteur britannique met tout le monde d'accord sur son incroyable talent. Si Split signe le retour en forme de Shyamalan, c'est en grande partie grâce à James McAvoy et au "personnage à tiroirs" qu'il interprète. Ceci étant dit, le réalisateur n'oublie pas non plus l'autre partie de son film, celle qui concerne le cauchemar vécu par les trois jeunes filles kidnappées, qui sont enfermées sans comprendre ce que leur ravisseur attend d'elles. Entre deux séances de Kevin (et Barry et Mlle Patricia et Dennis et Hedwig...) chez sa psy, il nous fait vivre le calvaire de plus en plus insupportable de Claire, Marcia et surtout Casey, dont le passé mouvementé a également un rôle à jouer dans l'histoire. La jeune fille (merveilleusement campée par Anya Taylor-Joy, qu'on a déjà vu dans les deux thrillers d'épouvante The Witch et Morgane) est aussi ébranlée que son agresseur, et leurs destins sont peut-être amenés à se lier. Encore une fois, le génie de Shyamalan est de mêler le suspens du thriller que vivent ces trois jeunes filles, avec celui que ressent le spectateur en voyant les personnalités les plus inquiétantes de Kevin se révéler et prendre le dessus. Split est une savoureuse alchimie entre le film de captivité et le fantastique, entre le survival et autre chose de plus effrayant encore. Un délicieux mélange qui trouve une résolution parfaite lors d'une dernière demi-heure prodigieusement exaltante.



Certes, Shyamalan nous a déjà habitué à terminer ses films d'un "twist" (parfois) bien pensé. Mais ici, le réalisateur, décidément bien revenu d'entre les morts, nous gratifie d'une fin d'une efficacité redoutable, pas uniquement grâce à son ultime et savoureux clin d’œil, mais grâce à un jusqu'au-boutisme salvateur et rafraîchissant. Dans un contexte hollywoodien morne et redondant, pollué d'histoire pompeuses ou pompées, remakées ou rebootées, qu'il est bon de voir le génial auteur de Signes ou Phénomènes (je ne suis pas ironique) redistribuer ainsi les cartes, et rejouer avec nos méninges autant qu'avec nos émotions. C'est brutal, c'est angoissant, c'est frénétique, c'est sans concession, c'est jouissif. Mieux, grâce à une maîtrise technique et esthétique quasi-parfaite, à un découpage des plans saisissant, à une bande-son au diapason et à la folie (en)cadrée d'un James McAvoy livrant une dernière prestation totalement bluffante, son Split se termine encore mieux qu'il n'avait commencé. Bon retour chez vous M. Night Shyamalan, que ce nouvel et furieux élan ne faiblisse jamais !


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