vendredi 10 mars 2017

| Avis ¦ Logan, le vieil homme et la der


Logan de James Mangold

  

Action, aventure, univers Marvel, USA, 2016, 2H17
Avec Hugh Jackman, Patrick Stewart, Dafne Keen
Sortie le 1er mars 2017



L'objectif : Dans un futur proche, un certain Logan, épuisé de fatigue, s’occupe d’un Professeur X souffrant, dans un lieu gardé secret à la frontière Mexicaine. Mais les tentatives de Logan pour se retrancher du monde et rompre avec son passé vont s’épuiser lorsqu’une jeune mutante traquée par de sombres individus va se retrouver soudainement face à lui.



Le subjectif : La bande-annonce (ci-dessus) ne laissait guère place au doute : le film Logan incarne la "dernière heure" de Wolverine au cinéma. Si on peut toutefois et sans risque avancer qu'il renaîtra de ses cendres d'une manière ou d'une autre, dans un nouvel univers/film (avec ou sans la Fox, avec ou sans les Avengers) et sous les traits d'un nouvel acteur, la romance qui lie le personnage Marvel le plus vu sur nos écrans ces dernières années et son interprète a (bel et bien) vécu. "Son heure est venue", Hugh Jackman dépose (enfin) les lames, après pas moins de neuf films dans la peau du plus teigneux et emblématique des X-Men : James "Logan" Howlett, plus connu sous les sobriquets de Wolverine ou Serval. Après un travail d'équipe dans X-Men, X-Men 2 (le meilleur) et L'Affrontement final (le pire), puis dans la nouvelle trilogie X-Men : Le Commencement, Days of Future Past et Apocalypse, et après une expérience solo (plus que) mitigée dans X-Men : Origins et Wolverine : Le Combat de l'immortel, le plus barbu des mutants porte donc ses derniers coups de griffes sous les traits de l'acteur australien dans Logan de James Mangold. Adapté du très bon comics de Mark Millar Old Man Logan, ce dernier film se voulait crépusculaire, sombre et beaucoup plus adulte qu'aucune autre histoire de la maison des idées portée au ciné. Mission réussie ? Oh que oui !




L'histoire de Logan se situe en 2029, dans un futur proche donc - plus proche en tout cas que celui du comics. Autre différence majeure avec la BD de Millar (et je m'arrêterai là) : le monde n'est pas dirigé par les super-vilains, Wolverine n'a pas (mystérieusement) déposé les armes, et ne vit pas non plus reclus avec femme et enfants en Californie. Certes, notre héros à rouflaquettes a vieilli, guérit de moins en moins bien, et traîne sa peine près du Mexique, dans une Amérique où aucun mutant n'a vu le jour depuis 25 ans. Mais, obligé de jouer au chauffeur de limousine pour vivre, il s'occupe, avec le mutant albinos Caliban, non pas de sa famille mais du professeur Charles Xavier. Ce dernier est lui aussi mal en point. Chevelu (une première dans la franchise, en tout cas sous les traits de Patrick Stewart), il est surveillé de très près par ses deux "compagnons" obligés de l'enfermer dans un réservoir d'eau désaffecté et de l'abrutir de calmants pour l'empêcher de provoquer des "crises". Des attaques psychiques dévastatrices qui paralysent quiconque s'aventure autour du télépathe, et contre lesquelles seul Logan semble capable de résister. Dans ce contexte déprimant dont le mutant se contente tant bien que mal, faisant face à l'inquiétude de Caliban et aux reproches teintées d'amnésie du Professeur X, Laura, une mystérieuse jeune fille aux capacités surhumaines va redistribuer les cartes. Logan va rapidement se trouver coincé entre deux feux : d'une part la mère de l'enfant qui a besoin de lui pour la protéger, d'autre part une organisation militarisée prête à tout pour les retrouver.

L'adieu aux lames

Jusque là, l'intrigue se met en place tranquillement. Même s'il s'agit, selon moi, de la partie la moins prenante du film, elle a l'énorme mérite et l'intérêt de montrer un Wolverine à mille lieux de ses précédentes incarnations. Déjà, il n'est plus "que" Logan. Ensuite, Hugh Jackman interprète un héros moribond, pessimiste, boiteux et alcoolique : abimé autant physiquement que moralement. Comme une béquille en gélatine, la jeune Laura va d'abord le gêner, l'ulcérer, avant de devenir progressivement indispensable, si ce n'est à sa renaissance, en tout cas à sa survie. Et comme c'était entendu et pressenti, Logan se mue rapidement en road-movie âpre et violent, à l'image d'un Mad Max auquel on l'a immédiatement comparé. Au(x) film(s) de George Miller, celui de James Mangold emprunte quelques courses poursuites arides et des affrontements sanglants dans un décor désertique. Mais "l'hommage" au réalisateur australien ne dure pas longtemps. En fait, plus que cette filiation cinématographique somme toute évidente, c'est une autre référence artistique qui marque les esprits. Et permettez-moi une petite parenthèse...



Dans sa façon de peindre l'aventure périlleuse des trois héros Logan, Laura et Charles, de nous montrer leur périple presque perdu d'avance - sorte de course contre la mort bercée d'illusions quasi mystiques -, le tout dans une atmosphère poisseuse de fin du monde, avec beaucoup de fatalisme de la part du héros mais également énormément d'espoir incarné par sa relation quasi-filiale avec la jeune fille, James Mangold invoque inévitablement un chef-d’œuvre du jeu vidéo : The Last of Us. Visuellement (avec sa barbe "pleine", sa peau burinée et sa carrure impressionnante malgré un âge avancé, Hugh Jackman ne pourrait pas plus ressembler à Joel, le héros du jeu) comme scénaristiquement, la ressemblance est frappante. Jusque dans la caractérisation des personnages ou dans leurs rencontres (la famille noire à qui ils viennent en aide), c'est bluffant, et le matériau de base est tellement fabuleux que l'hommage, volontaire ou non, confère à Logan un supplément d'âme réellement exaltant. D'autant que, même sans y voir une "adaptation", ce traitement des protagonistes et de leurs (més)aventures est une réelle force pour le film, que vous soyez amateur d'objet vidéoludique ou pas. Et fin de la digression...



Dans son histoire, formidablement originale; dans son regard introspectif sur le statut et l'avenir du mutant (et donc du film de super-héros) ; dans ses multiples réflexions sur le sort et la nature des protagonistes (Logan qui dit à Laura : "Ne sois pas ce qu'ils ont fait de toi" ; l'identité du super-vilain et le sens qu'il donne au film et à son personnage principal) ; dans son extrême violence (jamais combats de Wolverine n'auront été si "tranchants") ; dans son statut d’œuvre finale mais pas définitive, crépusculaire et peut-être prophétique ; dans sa beauté photographique (les décors naturels, des déserts arides de la frontière mexicaine jusqu'aux montagnes verdoyantes du Dakota) et dans l'efficacité de ses effets visuels (en particulier ceux durant les "crises" de Xavier, douloureuses car saisissantes de réalisme) ; dans ses errements narratifs (pourquoi tout le monde parle anglais sauf Laura ? ; pourquoi l'Amérique de 2029 ressemble à celle de 2016 - excepté quelques robots-camions ?) ; dans l'apparente faiblesse de ses grands méchants (c'est une révélation : un super movie n'en a pas besoin) ; dans son hommage marqué et marquant à L'Homme des vallées perdues (Shane) de George Stevens (sorti en 1953, archétype du film de western où le héros solitaire, sauvant veuve et orphelin, est souvent dépassé par la violence de ses actes) ; dans ses nombreux thèmes abordés (citons simplement celui des enfants soldats) ; dans sa discrète mais remarquable bande-originale, ponctuée d'une merveilleuse chanson de fin (The Man Comes Around de Johnny Cash, à retrouver plus bas), et dans son casting quasi-parfait (Hugh Jackman, mais aussi l'immortel Patrick Stewart et la jeune Dafne Keen, bouleversante Laura), Logan de James Mangold est un merveilleux éloge funèbre à un héros à jamais iconique, et à un acteur, pendant 17 ans son alter-ego cinématographique, qui l'est devenu au moins autant. Au revoir James Logan. Adieu Hugh Jackman.




Et si vous doutiez de l'implication de Hugh Jackman, ces images savoureuses tournées lors de la post-synchro devraient finir de vous convaincre :



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