samedi 23 janvier 2010

| Avis ¦ Invictus, essai transformé ?


Invictus de Clint Eastwood


Drame historique, biopic, USA, 2009, 2H12
Avec Morgan Freeman, Matt Damon, Scott Eastwood
Sortie le 13 janvier 2010 

 
L'objectif : En 1994, l'élection de Nelson Mandela consacre la fin de l'Apartheid, mais l'Afrique du Sud reste une nation profondément divisée sur le plan racial et économique. Pour unifier le pays et donner à chaque citoyen un motif de fierté, Mandela mise sur le sport, et fait cause commune avec le capitaine de la modeste équipe de rugby sud-africaine. Leur pari : se présenter au Championnat du Monde 1995...


Le subjectif : C'est l'histoire d'un homme : Clint Eastwood. Des dizaines de films au compteur, en tant qu'acteur. Une vingtaine de films en tant que réalisateur. Pour la plupart, des chef d'œuvres. Seulement voilà, Invictus et son envie de rendre hommage débarque sur nos écrans. A l'heure de la 3D, de l'action à couper le souffle, du spectacle. Invictus propose une histoire d'hommes, une histoire de nations, une histoire de rugby. Sans être mauvais, Invictus a oublié d'être bon.


Il fallait oser s'attaquer au rugby. Mandela passe encore : le bonhomme est sympathique, historique, et admirablement ressemblant avec Morgan Freeman. Mais le rugby ! Le rugby, ce sport qui respire la souffrance, ce « sport de hooligans joué par des hommes », cet objet de culte totalement absent du paysage américain. Il fallait oser tenter la pénalité, d'aussi loin. La visibilité était presque nulle. Résultat : les phases de jeu sont soit trop courtes (des matches expédiés en quelques secondes), soit beaucoup trop longues. La fin du film, qui retranscrit la finale, est tout simplement insupportable. Un assemblage de ralentis, de bruitages ridicules et de plans à l'esthétisme douteux. Comme les coups de pieds des deux buteurs, le film de Clint Eastwood ne vole pas bien haut.

Reste, alors, l'interprétation. Oui, oui, oui, Morgan Freeman est un Nelson « Modiba » Mandela sublime. Il lui ressemble traits pour traits, à tel point que la ressemblance lors des images d'archives de début de film est saisissante. Sans rire, « Azeem » mérite peut-être bien un Oscar. Sans doute celui du second rôle, mais un Oscar quand même. Quant au fil historique du film, il est important de savoir qu'il est adapté d'un livre. Dans ce livre, ni le rugby ni la politique n'a le « premier rôle ». Dans le film de Clint Eastwood, le spectateur est tout autant perdu. Il ne sait pas qui de Morgan Freeman ou Matt Damon mène le plus beau des combats. Les deux capitaines demeurent un peu patauds dans cet amas de bons sentiments, dans cette avalanche de belles images, tantôt poétiques, tantôt vomitives. Clint Eastwood a certes le talent pour rendre les faits divers aussi chaleureux qu'une plage californienne, mais ici les raccourcis sont trop nombreux pour paraître réalistes. C'est beau, un noir et un blanc qui s'entendent. C'est beau, un stade qui chante à l'unisson. Oui, nous voilà bien avancés.



Finalement, entre « pas terrible » et « sympathique », le match d'Eastwood contre Clint est assez équilibré. Annonçant la fin de sa carrière d'acteur, il nous avait laissé sur une mort cinématographique du plus bel effet avec Gran Torino, il retourne derrière la caméra en réalisant un beau portrait d'Histoire. Nul doute que ses enfants, présents dans le film (Kyle compose la musique et Scott joue le buteur Sud Af'), apprécieront. Invictus aurait pu être plus tranchant dans ses phases sportives, il aurait pu montrer plus d'impact. Au contraire, assister à ces secondes de matches n'apporte rien, mis à part quelques plans cachés sous les joueurs dans la mêlée. Pas une fois on ne voit les joueurs sous la douche, un comble pour un film sur le rugby. Max Guazzini ne s'en est toujours pas remis. Même dans Backdraft, les fesses ruisselantes et musclées sont plus présentes. Mais Clint est vieux maintenant, et il préfère filmer un Jonah Lomu moins vrai que nature se faire déchiqueter par une demi-douzaine de joueurs (drôlement bien disciplinés en défense), plutôt que de nous montrer des troisièmes mi-temps.

Clint préfère nous montrer des enfants qui jouent au ballon, des images qui s'estompent de bagnards qui taillent des pierres, plutôt que de nous expliquer la raison de l'importance du rugby en Afrique du Sud. Plutôt que de nous expliquer ce qu'est l'apartheid. Pourquoi le combat réussi par Mandela était si important, pourquoi le match remporté, l'essai marqué par l'équipe nationale eu autant d'impact ? C'est vrai , quoi, après tout, c'était pareil chez nous en 98 ? Peut-être, oui, peut-être que cela avait rassemblé toute la France. Et que, alors, le seul intérêt du film était de raconter cette histoire. Il n'en reste pas moins que cette histoire, sans recul ni points de repères, ne valait pas plus qu'un documentaire sur Stade 2, commenté en musique par Rod ze God. Au risque de choquer, non, l'essai n'est pas transformé. Clint a les pieds carrés.

2 commentaires:

  1. "Il nous avait laissé sur une mort cinématographique du plus bel effet avec Gran Torino"

    Et Bruce Willis c'est un fantôme dans "Sixième Sens", et Dark Vador c'est le père de Luke dans "Star Wars", et le bateau il coule à la fin de "Titanic"... ^^

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  2. ok donc j'explique pour les deux du fond : "mort cinématographique" voulait dire "mort de la carrière d'acteur"... Bon d'accord c'était pas clair et en plus, c'est vrai que le perso crève aussi... Mais bon, voilà quoi, Gran Torino était son dernier rôle en tant qu'acteur.

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