dimanche 24 février 2013

| Oscar Fight Fever ¦ Zero Dark Thirty / Démineurs

Avec le Fight Fever, je tente de percer en six points les mystères de deux films, d'hier comme d'aujourd'hui, aux attentes et aux styles similaires.

Ce dimanche, alors que se profile la 85e cérémonie des Oscar, place à deux films de la réalisatrice Kathryn Bigelow. Le premier, Zero Dark Thirty, sera en compétition cette nuit à Los Angeles, étant nommé dans cinq catégories. Il y a trois ans, son adversaire Démineurs, remportait lui six Oscar et consacrait sa réalisatrice comme première femme à recevoir la récompense suprême. Alors, qui remportera ce Fight Fever "hors série" ?

Crouch, touch, pause... ENGAGE !

 

 

Le projet


Attaqué de toutes parts et accompagné, au moment de sa sortie, de nombreuses polémiques (la faute à son sujet qui s'attardait sur la traque d'Oussama Ben Laden, quelques mois seulement après les faits, même si le projet du film a été lancé bien avant son assassinat au Pakistan), Zero Dark Thirty a même vu celle-ci (sortie) être repoussée. Raison invoquée : elle coïncidait à l'élection présidentielle américaines (on soupçonnait alors la réalisatrice Kathryn Bigelow d'avoir monté un objet de propagande pro-Obama). Au final, le film est bien sorti (le 23 janvier dernier chez nous), auréolé d'un tapage médiatique sans précédent, et accompagné d'une pluie de nominations et récompenses (Golden Globe et Oscars).


De son côté, Démineurs était loin de faire autant le "buzz" pour sa sortie, même s'il s'agissait d'un sujet délicat : film de guerre ancré dans la réalité de l'Irak "post-intervention américaine". Le long-métrage, sorti en France en septembre 2009 (puis repris au printemps 2010 suite à son succès aux Oscars), traitait du quotidien de soldats américains dont le rôle était de désamorcer des bombes à Bagdad, au péril de leur vie. Son succès (surtout critique, les recettes du film atteignant à peine plus que son budget de 15 millions de $) fût néanmoins surprenant. Jusqu'ici, le principal fait d'armes de Kathryn Bigelow (ex-femme de James Cameron) était le thriller d'aventure Point Break, sorti en 1991.

D'un côté Zero Dark Thirty a très vite attiré mon attention et ma curiosité, notamment grâce à son scénario excitant (qui l'est devenu encore plus après l'aboutissement de la traque de Ben Laden). De l'autre, Démineurs, quelques automnes auparavant, m'avait plus intéressé comme film d'action que comme une étude des conditions des soldats américains en Irak. Victoire donc pour le premier (5 seringues à trois), mais il évident que le succès du second a amplifié l'attente autour de Zero Dark Thirty.

L'histoire


On suit la traque d'Oussama Ben Laden depuis le premier jour (le début du film, en écran noir, nous laisse entendre des enregistrements audio datant du 11 septembre 2001) jusqu'à la nuit fatidique du 2 mai 2011. Ce n'est pas pour rien que le film s'appelle d'ailleurs Zero Dark Thirty (titré provisoirement Kill Bin Laden), ces trois mots signifiant, en jargon militaire, l'heure de la mort du chef d'Al-Qaïda : "minuit et demi". Témoin de l'importance du dénouement de la traque dans le film (remanié) de Kathryn Bigelow, la scène de l'assaut final, d'une durée approximative de trois quarts d'heure, est tournée en quasi temps réel. Entre les deux, le spectateur assiste à plusieurs scènes de torture, à de nombreux échecs militaires et attentats kamikazes contre les forces américaines et civils de tous pays... Le tout à travers le regard de l'héroïne, Maya.

Dans Démineurs, Kathryn Bigelow filme le quotidien d'une unité de déminage américaine basée à Bagdad. En pleine guerre d'Irak (troisième guerre du Golfe), leur tâche se montre périlleuse et mortifère, et donne au long-métrage une tension formidable et de nombreuses séquences palpitantes. Si elle peut être répétitive et limitée, l'action n'en est pas moins surprenante par son intensité et son réalisme, et ne ménage pas le spectateur. A la manière de son précédent film K-19, Le piège des profondeurs (2002), où Harrison Ford et Liam Neeson étaient en huis-clos d'un sous-marin, Kathryn Bigelow film une poignée de personnages dans des situations inextricables et explosives.


Plus intéressante, polémique et, peut-être, travaillée, l'histoire de Zero Dark Thirty l'emporte (4 seringues) sur celle, plus simpliste, de Démineurs (3 seringues).

 

Le casting


Sans surprise, le rôle qui crève l'écran dans Zero Dark Thirty est celui de l'agent Maya, campé par Jessica Chastain. Inspiré d'un véritable membre féminin de la CIA, ce personnage capte l'attention de la caméra de Kathryn Bigelow tout au long de son film, sans pour autant se dévoiler parfaitement. On ne sait presque rien de la vie privée de Maya, et on apprend très peu de choses sur les raisons qui l'ont conduit en Irak. Il n'en reste pas moins que la performance de l'actrice de 35 ans, révélée il y a deux ans par Jeff Nichols dans Take Shelter, est remarquable. Omniprésente, elle irradie la pellicule par sa justesse et ses émotions. Pas étonnant qu'elle ait remporté le Golden Globe de la meilleure actrice dramatique, et qu'elle soit fortement pressentie pour glaner l'Oscar ce dimanche. Autour d'elle gravite de nombreux protagonistes masculins, parmi lesquels on retiendra Jason Clarke (impressionnant tortionnaire au début du film), Mark Strong et Kyle Chandler.

Démineurs accueillait de nombreux rôles secondaires, interprétés tous avec brio (Guy Pearce, Ralph Fiennes, entre autres), mais consacrait surtout deux grands acteurs en devenir : Jeremy Renner et Anthony Mackie. Sans doute pas étranger au succès du film de Kathryn Bigelow, le premier est depuis devenu le nouvel "actionman" d'Hollywood. Il a décroché le rôle de Hawkeye dans Thor et Avengers, a prêté main forte à Tom Cruise dans le dernier Mission : Impossible, et a enfin suppléé Matt Damon dans le quatrième Jason Bourne... Tout aussi excellent dans Démineurs, Anthony Mackie a de son côté continué sa route, qui l'avait vu briller dans Half Nelson en 2007, soutenir le président hacheur de démons dans Abraham Lincoln : Chasseur de vampires l'été dernier, et se transformer en vigilante récemment dans Gangster Squad. Les deux hommes seront bientôt à l'affiche de deux productions musclées : Jeremy Renner dans Hansel et Gretel, aux côtés de Gemma Arterton, et Anthony Mackie dans Pain and Gain, le nouveau Michael Bay.


On souhaite à Jessica Chastain de connaître autant de succès après Zero Dark Thirty, que ses deux homologues masculins de Démineurs. Avec un casting irréprochable, les deux films sont à égalité : 4 seringues partout.

L'environnement


Zero Dark Thirty couvre finalement une grande période temporelle, allant de 2001 à 2011, et donc de nombreux lieux y sont dévoilés. La reconstitution des bureaux de la CIA au Moyen Orient ou sur le sol américain, ainsi que de nombreuses zones militaires tenues fatalement secrètes n'a rien d'extraordinaire, compte tenu de leur sobriété. Mais l'intérêt du film réside d'abord dans l'apparition de plusieurs scènes d'attentats (comme ceux de Londres à l'été 2005), et surtout dans la longue séquence finale qui met en scène la dernière résidence de Ben Laden au Pakistan. Le spectateur y est baladé comme s'il se trouvait avec les soldats américains au moment de l'assaut, vue infrarouge et souffle court compris. Grisant.

Démineurs quant à lui montre des paysages urbains irakiens torturés, souvent désertiques (ou désertés) en raison des nombreuses bombes qui s'y trouvent. Concentrée sur la poignée de soldats de l'unité américaine, la caméra de Kathryn Bigelow s'attarde pourtant sur la poussière, le sable et les débris qui s'échappent après chaque explosion. Cela donne souvent lieu à des endroits chaotiques ou lunaires. Sentiment certes renforcé par la tenue de déminage que porte le sergent William James, alias Jeremy Renner, qui ressemble étrangement à une combinaison spatiale...

Match nul entre deux univers à la fois similaires et diamétralement opposés dans leur traitement. On sent plus d'émotion dans les paysages vidés de Démineurs, mais ils sont plus nombreux dans Zero Dark Thirty. Trois seringues pour chacun.

 

La réalisatrice


Même si la réalisatrice est la même, l'approche est différente dans Zero Dark Thirty. Dans un premier temps, on pouvait craindre un film trop documenté, trop linéaire et sans grande passion. On découvre finalement un étrange amalgame entre séquences similaires à du reportage de guerre, et de nombreuses autres où l'humain, grâce à de très bons acteurs, est prioritaire. Malheureusement, l'ensemble manque parfois de liant, de piquant et de tension pour tenir le spectateur en haleine sur la durée, même si les explosions et autres "accidents" ne manqueront pas de le faire sursauter. On suspecte ainsi Kathryn Bigelow d'avoir volontairement multiplié ces effets pour le surprendre, et la sincérité en prend un coup.

Trois ans plus tôt, la réalisatrice optait pour un récit choc et brutal dans Démineurs, un pur film d'action plein d'adrénaline. Ce fût une réussite, très clairement. Et si Kathryn Bigelow n'a pas oublié le contexte historique, elle l'a relégué au second plan, pour le bonheur du spectateur, et des académiciens des Oscars américains. Ces derniers lui ont décerné six statuettes, dont celles des meilleurs film, montage et scénario original, et de la meilleure réalisatrice : une première historique, tout simplement.


Pour son tour de force d'action pure, et ses nombreuses distinctions, c'est Démineurs qui mérite d'emporter cette bataille : quatre seringues à trois.


La critique


Impressionnant pour son attrait informatif, qui met en scène une part importante de l'histoire américaine contemporaine, Zero Dark Thirty manque peut-être de folie cinématographique. Néanmoins, la force de son récit et les parti-pris délicats entrepris par la réalisatrice forcent le respect, quitte à attiser le feu des polémiques. Après les suspections de démarche partisane pro-Obama, on a par exemple accusé le long-métrage de faire l'apologie des tortures. Il n'en reste pas moins que ce film, brutal et parfois insoutenable, a le mérite de lever le voile sur la traque de Ben Laden, et sur son incroyable dénouement (tourné comme si c'était du temps réel, je le rappelle).

Dans un autre registre, Démineurs impressionne par son esthétique et sa tension de tous les instants, qui en font un excellent film d'action. Si j'ai pu être étonné de voir le faible émoi qu'il a suscité lors de sa (première) sortie en France, ne totalisant guère plus de 200 000 entrées, je dois avouer que j'ai été tout autant surpris de le voir remporter l'Oscar du meilleur film en 2010, face à des concurrents autrement mieux armés et plébiscités, comme Avatar ou Inglorious Basterds.

C'est ma note critique, elle est donc subjective, et liée aux sentiments ressentis pendant le visionnage de ces deux films. Zero Dark Thirty est celui qui m'a le plus impressionné, et remporte cet ultime duel : quatre seringues contre trois..



Le verdict


A quelques heures maintenant de la 85e grand messe du cinéma américain, qui verra une nouvelle fois Kathryn Bigelow et son film prétendre à la distinction suprême, ce Fight Fever a livré son verdict. Avec une plus grande palette de qualités, c'est sans réelle surprise que Zero Dark Thirty termine en tête. Quatre seringues contre trois.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...