vendredi 18 mai 2012

| Avis ¦ De rouille et d'os, Audiard remet ça




De rouille et d'os de Jacques Audiard


Drame, Belgique / France, 2012, 1H55
Avec Marion Cotillard, Matthias Schoenaerts, Armand Verdure
Sortie le 17 mai 2012 
(Compétition officielle - Cannes 2012)

L'objectif : Ça commence dans le Nord. Ali se retrouve avec Sam, 5 ans, sur les bras. C’est son fils, il le connaît à peine. Sans domicile, sans argent et sans amis, Ali trouve refuge chez sa sœur à Antibes. Là-bas, c’est tout de suite mieux, elle les héberge dans le garage de son pavillon, elle s’occupe du petit et il fait beau. A la suite d’une bagarre dans une boîte de nuit, son destin croise celui de Stéphanie. Il la ramène chez elle et lui laisse son téléphone. Il est pauvre ; elle est belle et pleine d’assurance. C’est une princesse. Tout les oppose. Stéphanie est dresseuse d’orques au Marineland. Il faudra que le spectacle tourne au drame pour qu’un coup de téléphone dans la nuit les réunisse à nouveau. Quand Ali la retrouve, la princesse est tassée dans un fauteuil roulant : elle a perdu ses jambes et pas mal d’illusions. Il va l’aider simplement, sans compassion, sans pitié. Elle va revivre.



Le subjectif : Au moment de savourer les derniers instants du précédent film de Jacques Audiard, Un prophète, de battre mon cœur s'était arrêté. Bouleversé par ce long-métrage au rythme et à la tension implacables, j'avais quitté la salle glacé mais bouillant, emprunt de tourments, balayé de sentiments vraiment différents. Cette année, avec De rouille et d'os, j'étais presque certain de revivre le même choc. Bande-annonce, critiques, casting : tout concordait pour que la claque, une fois encore, soit au rendez-vous. Et pourtant, si j'ai choisi d'attribuer cette note maximale et surtout ce statut de chef d’œuvre au sixième film du chauve au chapeau, c'est seulement après une grande indécision ; une perplexité qui berce encore la danse nocturne de mes doigts sur le clavier bichromatique. Mais une œuvre qui demande autant de temps au temps ne méritait pas de compromis. Pas de notes médianes, pas d'avis mesuré. Entre déception et réussite, j'ai tranché pour la seconde.


Car au fond, dans De rouille et d'os, tout confine au génie. La beauté des scènes, d'abord, qui donne à chaque Audiard un cachet, une marque de fabrique. Le réalisateur français s'appesantit sans peur sur des gros plans de nageoire ou de mâchoire d'orque, sous fond de musique poignante (j'y reviendrai). De la même manière, il ralentit le temps lors de combats mains nues et brutaux, comme s'il désirait en capter la substantifique moelle. Audiard c'est cet esthétisme des corps, de l'espace, d'un monde en mouvement perpétuel. C'est cette vie qui avance, et qui demeure belle - ou en tout cas admirable - malgré les coups et les blessures. C'est avant tout une mise en scène quasi parfaite, qui offre à chaque chose et à chaque personnage sa place, ordinaire, et au spectateur la possibilité de le(s) découvrir de façon extraordinaire. De rouille et d'os est un nouvel œil qui contemple et sublime une histoire.


Une histoire d'homme, comme dans Un prophète ou De battre mon cœur s'est arrêté. Une histoire d'un homme, Matthias Schoenaerts, qui se retrouve, avec un gosse sur les bras, à devoir voler dans les magasins, vivre au crochet de sa sœur. Un homme profondément humain, mais pas humaniste. Ali, le personnage incarné par l'acteur flamand, est en ce sens à la fois doux et violent, attisé par l'amour de son enfant comme par le sexe et l'argent, plein de forces et de faiblesses. Aussi, sa relation avec Stéphanie - grande Marion Cotillard - est chaotique. Il va redonner le goût à la vie et à l'envie, à cette femme qui a vu ses deux jambes arrachées. Lui, handicapé de sentiments, qui n'aime que dans la moiteur d'une chevauchée peau contre peau, va relancer l'amour et l'espoir dans les yeux d'une femme perdue, et handicapée. Une histoire d'amour et d'amitié va naître - parfois illusoire, parfois euphorisante - excellemment portée à l'écran par deux acteurs au sommet, pour l'une, et à suivre, pour l'autre. Une histoire portée également par une musique parfaite, composée et sélectionnée par Alexandre Desplat. Décidément toujours dans les bons coups. 

De rouille et d'os est violent, cru, beau et haïssable, en deux mots : merveilleusement humain. Il est un film sur la vie et ses remous, sur les tréfonds de l'âme d'un homme - simple, simpliste, bestial. Il est un film sur une histoire qui nous ressemble, qui nous rassemble : une histoire d'amour, d'un homme, d'une femme, d'un fils, déconnectés, fragiles, cassés, mais vivants. Il est un film sur certains choix, sur certaines larmes, certaines blessures subies ou provoquées. Il est un film sur toute cette complexité qu'on appelle sobrement le quotidien, qu'il se passe ici ou là, sur la berge d'un bac à orques azuréen ou sur un lac gelé alsacien. Et s'il est tout ça, le film de Jacques Audiard n'est en aucun cas - pour paraphraser Nanni Moretti, le nouveau président de Cannes - un "film facile". Il est un film de cinéma. Un grand, grand film de cinéma. Un de plus.

2 commentaires:

  1. Ouaiiiiiiiiiiiiis !!!!! t'as résumé ce que je voulais dire donc pas la peine d'en rajouter ^^

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  2. merci ma Ju ;)
    c'est vrai que c'est un film merveilleux, finalement... je m'en rends compte en y repensant :)

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