samedi 26 mai 2012

| Le Film du samedi soir ¦ Les Bouchers verts

Avant-propos : Avec ce concept de « Film du samedi soir », je choisis de vous parler d'un petit métrage qui me tient à cœur. Il s'agit, chaque semaine, de fouiller mes étagères de DVD pour mettre en avant une petite comédie sans prétention, une série B bien barrée, un film d'horreur poussiéreux, une aventure de gosses oubliée... Bref, sortir du placard des trucs qui me font vibrer et aimer le cinéma, des productions totalement mésestimées, méprisées ou méconnues, et que j'estime être le remède parfait pour vos silencieuses soirées de samedi. Et vous savez quoi ? ça tombe bien, ce soir, on est justement samedi...











Les Bouchers verts d'Anders Thomas Jensen

Comédie, Danemark, 2003, 1H39
Avec Nikolaj Lie Kaas, Mads Mikkelsen, Line Kruse
Sortie le 26 janvier 2005

L'histoire : Deux amis, l'ambitieux Svend et Bjarne le rêveur, décident de monter leur propre boucherie afin d'échapper à un patron étouffant. La clientèle se fait rare jusqu'à ce que leur ancien employeur les mette à l'épreuve en leur offrant d'organiser le dîner du Rotary Club. La chance tourne à la suite d'un malencontreux accident qui permettra à Svend d'offrir, une recette "sauce maison", une viande à la saveur très originale mais à l'approvisionnement plus que délicat... 



En matière de cinéma, quand on dit "danois", on pense généralement à Lars von Trier et son Dogme, au phénomène Nicolas Winding Refn (la trilogie Pusher, Bronson, Drive, etc.) ou encore aux premiers Millenium. Il existe pourtant, aussi, un réalisateur talentueux et corrosif en diable, j'ai nommé Anders Thomas Jensen. Le jeune homme, quarante ans tout juste, a plusieurs comédies étranges à son actif, comme ces Bouchers verts, produit en 2003 et sorti trois ans plus tard chez nous. Opaque de premier abord, le style du Danois peut vite devenir jubilatoire, pour qui veut bien entrer dans son univers...


Il suffit, pour s'en rendre compte, de prendre connaissance de l'intrigue de ce film, second long-métrage du réalisateur. Deux collègues bouchers, nouvellement installés mais en manque de clients, profitent d'un malheureux accident de chambre froide pour commercialiser... de la viande d'homme. Loin de la comédie musicale et macabre de Tim Burton, Sweeney Todd, Anders Thomas Jensen s'appuie sur cette idée horrifique - que la chair humaine puisse être le secret d'une réussite flagrante - pour dérouler un long-métrage noire, mais tendre, à la fois étrange et poétique, où le duo d'acteurs principaux joue un rôle primordial.

Dans la peau de Svend, le "leader" incroyablement laid, peureux et arrogant, qui souffre d'hyperhidrose et de calvitie, et que le succès fait saliver : Mads Mikkelsen. Impressionnant méchant de Casino Royale (il y joue Le Chiffre), et épatant en Igor Stravinski dans le film éponyme, cet acteur protéiforme, fidèle au cinéma danois (on le retrouve dans la trilogie Pusher et Valhalla Rising de Nicolas Winding Refn, mais son plus grand rôle est peut-être dans After the Wedding de Susanne Bier), se mue en être détestable et pitoyable pour notre plus grand bonheur. A ses côtés, tout aussi convaincant mais beaucoup moins connu, Nikolaj Lie Kaas interprète Bjarne. Discret mais moins "cinglé" et plus sensé que son compère, il possède néanmoins une part d'ombre assez terrifiante.

Un humour très particulier

Les deux personnages, loufoques mais sérieux, et donc exagérément loin de la réalité, animent un récit déroutant. Pas toujours hilarante, la comédie d'Anders Thomas Jensen propose un humour fin, orienté vers l'absurde. En témoigne cette scène, lors de l'ouverture de la boucherie des deux compères. Orchestre en costume, ballons, décoration, tout y est ! Sauf la clientèle, qui n'a pas répondu présent : il n'y a pas un chat. Ou plutôt si, puisque le réalisateur nous le montre, qui gambe dans la rue désertique.


Ce trait d'humour contraste avec la lourdeur de la séquence, qui doit illustrer l'échec commercial de Svend et Bjarne, qui ont mis toutes leurs économies dans cette entreprise.
Car si Les Bouchers verts est avant tout un film d'atmosphère, qui tend également vers la tragédie humaine, il ne tombe jamais dans le pathos. Les héros de Jensen possèdent tous les défauts du monde, dans un univers poisseux et crasseux, mais la noirceur de leur aventure n'a d'égal que la sincérité de leurs intentions. Si Svend et Bjarne sont critiquables et certainement répréhensibles, on a malgré tout envie de leur donner une chance.

Cette même chance que nous avons eu, spectateurs, en découvrant ce petit bijou de comédie noire, que je ne saurais trop vous conseiller de savourer à votre tour. Dans la même lignée, et sans perdre plus de temps ni d'appétit, si vous avez aimé ces Bouchers verts, ruez-vous sur Adam's Apples, du même réalisateur et encore plus "barré". Mais ça, bien sûr, c'est une autre histoire... du samedi soir.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...