The Revenant d'Alejandro González Iñárritu
Western, aventure, USA, 2016, 2H36
Avec Leonardo DiCaprio, Tom Hardy, Domhnall Gleeson
Sortie le 24 février 2016
(Oscars 2016 : Meilleur réalisateur - Meilleur acteur - Meilleure photographie)
L'objectif : Dans une Amérique profondément sauvage, Hugh Glass, un trappeur, est attaqué par un ours et grièvement blessé. Abandonné par ses équipiers, il est laissé pour mort. Mais Glass refuse de mourir. Seul, armé de sa volonté et porté par l’amour qu’il voue à sa femme et à leur fils, Glass entreprend un voyage de plus de 300 km dans un environnement hostile, sur la piste de l’homme qui l’a trahi. Sa soif de vengeance va se transformer en une lutte héroïque pour braver tous les obstacles, revenir chez lui et trouver la rédemption.
Le subjectif : Après Star Wars VII, The Revenant est certainement le film dont on a le plus entendu parler ces derniers mois. Dès la diffusion du teaser-trailer sur la toile, les premières mâchoires se sont décrochées. Il faut dire que ce film hors-normes aux conditions de tournage chaotiques et au scénario de vengeance teinté de survie extrême, inspiré de l'histoire vraie du trappeur Hugh Glass, avait de quoi intéresser les cinéphiles. Réalisé par le Mexicain Alejandro González Iñárritu, moins d'un an après qu'il eut glané le plus beau des Oscars pour Birdman, The Revenant est surtout devenu très vite le film pouvant ENFIN permettre à Leonardo DiCaprio de décrocher la statuette dorée du Meilleur acteur. Cette critique arrivant tard, nous savons tous que la consécration tant attendue est survenue - autant pour Leo que pour Iñárritu, qui est reparti avec l'Oscar du Meilleur réalisateur. Le film est donc sorti, les avis sont tombés, et se sont avérés plutôt partagés : tantôt dithyrambiques, tantôt dubitatifs. The Revenant semble ne laisser personne indifférent.
En ce qui me concerne, je comparerais mon ressenti face au film d'Iñárritu à une montagne russe qui n'aurait qu'une seule grosse descente. Je monte, je monte, je monte - les sens en alerte, émerveillé, ébloui - puis je descends, en en prenant plein les yeux et gonflant mon petit cœur de sensations fortes. Dès les premiers plans, emporté par la caméra du Mexicain, on se prend effectivement d'empathie pour cette bande de trappeurs piégés au cœur d'une Amérique froide et sauvage, même si on ne comprend pas tout. L'histoire avance, le schéma du film de vengeance se met en place - grâce à des plans violents et durs (le combat avec l'ours, mythique) - et on prend toujours autant de plaisir. Les paysages sont magnifiques, la musique est superbe (signée du compositeur japonais Ryuichi Sakamoto), le jeu des acteurs est très bon (DiCaprio et Tom Hardy en tête), l'aventure est rude et nous saisit aux tripes. La première partie est réellement incroyable, et je dois bien avouer qu'à ce moment-là The Revenant ressemble effectivement au film de survie ultime, servant le récit de revanche le plus épique, avec un Leo DiCaprio en "vigilante" le plus extraordinaire que le 7e art ait jamais porté. Mais le wagon du grand-huit ralentit, en même temps que le rythme, et du long métrage il ne reste (presque) que les longueurs.
Après avoir été abasourdi, je reprends donc peu à peu mes esprits, et constate, hélas, que si le grand spectacle se poursuit à l'écran à coup de décors naturels gigantesques et de fulgurantes scènes d'action, l'effet qu'il a sur moi n'est plus le même. Je constate que si j'ai la mâchoire qui s'ouvre, c'est plus pour bailler que pour m'ébahir. La faute à quoi ? Un manque flagrant de sincérité dans son travail et de vraisemblance dans son récit - un comble pour un film qui se voulait traiter la survie la plus crue. Iñárritu nous guide, nous mâche le travail, nous souffle à l'oreille une idée pour nous la marteler à grand coup de voix off sur le plan suivant. L'immersion ne fonctionne plus, le film est devenu trop convenu, calibré, méthodique - même si l'enchevêtrement souvent chaotique de ses plans tend à faire croire le contraire. Devant cette lourdeur, fatalement, et bien malgré soi, on en vient à buter sur des détails, sur des "hics". On accroche sur certaines facilités du scénario (pourquoi ce corps se trouve-t-il là ? comment ces vêtements n'ont-ils pas gelés ? comment a-t-il pu descendre ? qui est cette fille ? pourquoi est-elle avec eux ? pourquoi il... pourquoi... ?), et inévitablement on décroche, toujours plus, de cette merveilleuse tension dans laquelle Iñárritu et DiCaprio avaient pourtant su nous plonger. Et on s'en veut, terriblement, de laisser ainsi la chevauchée vengeresse de ce héros malmené, cassé, déchiqueté par les éléments, la nature et le(s) salaud(s). On s'en veut de ne plus autant suivre Glass à la poursuite de sa destinée - déçu qu'on est d'en prévoir l'issue, lassé de ne pas la voir arriver.
Pour autant, au coup de revolver final, les sentiments sont mélangés car les points forts du long-métrage sont toujours là : l'action, quand elle est présente, est nerveuse, la rudesse et la cruauté n'ont pas disparu, et DiCaprio paraît toujours autant possédé. Même le message "christique" du film n'est pas si dérangeant, tant la conviction avec laquelle le réalisateur affuble le personnage de sa mission, de sa destinée, paraît louable. Les images sont belles - au propre comme au figuré. Mais j'imagine qu'à force de tirer sur la corde, d'exhiber jusqu'à l'usure la souffrance de son héros autant que les étendues hostiles et enneigées de l'Ouest américain, de filmer en gros plan le visage creusé et sanguinolent de Hugh Glass ou d'admirer quasi mystiquement les cimes des arbres en contre-plongée, Iñárritu a baissé l'intensité de The Revenant. A trop vouloir en montrer, il a perdu l'essentiel du cinéma, ce qui fait qu'on l'aime et qu'on le partage : les sensations. Cette émotion qui nous traverse, qui nous fait trembler, vibrer dans notre modeste fauteuil rouge pour un héros imaginaire filmé à des milliers de kilomètres de là, à des dizaines de mois de là. Un peu trop long, trop lourd, trop évident car trop peaufiné, méticuleusement travaillé, The Revenant est certes un très grand spectacle, mais un plus petit film.
En ce qui me concerne, je comparerais mon ressenti face au film d'Iñárritu à une montagne russe qui n'aurait qu'une seule grosse descente. Je monte, je monte, je monte - les sens en alerte, émerveillé, ébloui - puis je descends, en en prenant plein les yeux et gonflant mon petit cœur de sensations fortes. Dès les premiers plans, emporté par la caméra du Mexicain, on se prend effectivement d'empathie pour cette bande de trappeurs piégés au cœur d'une Amérique froide et sauvage, même si on ne comprend pas tout. L'histoire avance, le schéma du film de vengeance se met en place - grâce à des plans violents et durs (le combat avec l'ours, mythique) - et on prend toujours autant de plaisir. Les paysages sont magnifiques, la musique est superbe (signée du compositeur japonais Ryuichi Sakamoto), le jeu des acteurs est très bon (DiCaprio et Tom Hardy en tête), l'aventure est rude et nous saisit aux tripes. La première partie est réellement incroyable, et je dois bien avouer qu'à ce moment-là The Revenant ressemble effectivement au film de survie ultime, servant le récit de revanche le plus épique, avec un Leo DiCaprio en "vigilante" le plus extraordinaire que le 7e art ait jamais porté. Mais le wagon du grand-huit ralentit, en même temps que le rythme, et du long métrage il ne reste (presque) que les longueurs.
Survival error
Après avoir été abasourdi, je reprends donc peu à peu mes esprits, et constate, hélas, que si le grand spectacle se poursuit à l'écran à coup de décors naturels gigantesques et de fulgurantes scènes d'action, l'effet qu'il a sur moi n'est plus le même. Je constate que si j'ai la mâchoire qui s'ouvre, c'est plus pour bailler que pour m'ébahir. La faute à quoi ? Un manque flagrant de sincérité dans son travail et de vraisemblance dans son récit - un comble pour un film qui se voulait traiter la survie la plus crue. Iñárritu nous guide, nous mâche le travail, nous souffle à l'oreille une idée pour nous la marteler à grand coup de voix off sur le plan suivant. L'immersion ne fonctionne plus, le film est devenu trop convenu, calibré, méthodique - même si l'enchevêtrement souvent chaotique de ses plans tend à faire croire le contraire. Devant cette lourdeur, fatalement, et bien malgré soi, on en vient à buter sur des détails, sur des "hics". On accroche sur certaines facilités du scénario (pourquoi ce corps se trouve-t-il là ? comment ces vêtements n'ont-ils pas gelés ? comment a-t-il pu descendre ? qui est cette fille ? pourquoi est-elle avec eux ? pourquoi il... pourquoi... ?), et inévitablement on décroche, toujours plus, de cette merveilleuse tension dans laquelle Iñárritu et DiCaprio avaient pourtant su nous plonger. Et on s'en veut, terriblement, de laisser ainsi la chevauchée vengeresse de ce héros malmené, cassé, déchiqueté par les éléments, la nature et le(s) salaud(s). On s'en veut de ne plus autant suivre Glass à la poursuite de sa destinée - déçu qu'on est d'en prévoir l'issue, lassé de ne pas la voir arriver.
Pour autant, au coup de revolver final, les sentiments sont mélangés car les points forts du long-métrage sont toujours là : l'action, quand elle est présente, est nerveuse, la rudesse et la cruauté n'ont pas disparu, et DiCaprio paraît toujours autant possédé. Même le message "christique" du film n'est pas si dérangeant, tant la conviction avec laquelle le réalisateur affuble le personnage de sa mission, de sa destinée, paraît louable. Les images sont belles - au propre comme au figuré. Mais j'imagine qu'à force de tirer sur la corde, d'exhiber jusqu'à l'usure la souffrance de son héros autant que les étendues hostiles et enneigées de l'Ouest américain, de filmer en gros plan le visage creusé et sanguinolent de Hugh Glass ou d'admirer quasi mystiquement les cimes des arbres en contre-plongée, Iñárritu a baissé l'intensité de The Revenant. A trop vouloir en montrer, il a perdu l'essentiel du cinéma, ce qui fait qu'on l'aime et qu'on le partage : les sensations. Cette émotion qui nous traverse, qui nous fait trembler, vibrer dans notre modeste fauteuil rouge pour un héros imaginaire filmé à des milliers de kilomètres de là, à des dizaines de mois de là. Un peu trop long, trop lourd, trop évident car trop peaufiné, méticuleusement travaillé, The Revenant est certes un très grand spectacle, mais un plus petit film.
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