mardi 22 mars 2016

| Avis ¦ Triple 9, fondu au noir

Triple 9 de John Hillcoat

 

Thriller, policier, action, USA, 2016, 1H56
Avec Casey Affleck, Chiwetel Ejiofor, Anthony Mackie
Sortie le 16 mars 2016


L'objectif : Ex-agent des Forces Spéciales, Michael Atwood et son équipe de flics corrompus attaquent une banque en plein jour. Alors qu'il enquête sur ce hold-up spectaculaire, l'inspecteur Jeffrey Allen ignore encore que son propre neveu Chris, policier intègre, est désormais le coéquipier de l'un des malfrats. À la tête de la mafia russo-israélienne, la redoutable Irina Vlaslov ordonne à l'équipe d'effectuer un dernier braquage extrêmement risqué. Michael ne voit qu'une seule issue : détourner l'attention de l'ensemble des forces de police en déclenchant un code "999" – signifiant "Un policier est à terre". Mais rien ne se passe comme prévu…


Le subjectif : Les films de braquage ne sont pas si nombreux. En tout cas, rares sont ceux à avoir réellement marqué le 7e art, ou le cœur des cinéphiles. En ce qui me concerne, et en s'arrêtant aux 30 dernières années, je retiendrais quelques pépites : maligne (Inside Man), spectaculaire (Point Break), plutôt drôle (Ocean's Eleven) ou carrément jouissive (Fast Five), (sur)prenante (Inception) ou tout simplement au-dessus des nuages (Heat). Je pourrais même citer un super film de casse signé Ben Affleck (The Town), et un autre réalisé par un Français (Antigang). Bon, finalement ça en fait un paquet. Mais une chose est sûre : peu, voire aucun, ne possède dans son casting une galerie de gueules comme celle qui figure à l'affiche de Triple 9 de John Hillcoat. L'énoncé des acteurs masculins donne le tournis : Chiwetel Ejiofor, Aaron Paul, Anthony Mackie, Clifton Collins, Norman Reedus, Casey Affleck, Woody Harrelson... Vous pouvez ajouter à cela Kate Winslet, qui campe une baronne de la pègre israélo-russe, mais aussi Gal Gadot et Teresa Palmer dans des rôles secondaires, et vous obtenez un casting en or.




Et le braquage dans tout ça ? Le réalisateur du road-movie post-apocalyptique La Route sorti en 2009, et du plus récent Des hommes de loi (2012), réunit cette brochette impressionnante sur le grill d'un polar très noir et sans concession. Le décor est d'ailleurs rapidement planté, puisque le film débute par un braquage de banque en plein jour - à l'image de la scène qu'avait réalisée Christopher Nolan pour l'ouverture de The Dark Knight. En plein cœur d'une ville d'Atlanta abandonnée aux gangs, mafias, et autres flics ripoux, ce casse spectaculaire va être le point de départ d'une aventure musclée et implacable. A l'origine de ce braquage il y a un petit groupe organisé agissant sous la coupe de la "madonne" soviétique jouée par Kate Winslet, la redoutable Irina Vaslov, et qui est composé d'anciens commandos des forces spéciales américaines (Ejiofor et Reedus) et de "bad cops" (Mackie et Collins). Dépêché sur l'enquête, l'inspecteur Jeffrey Allen (Harrelson) est également l'oncle de Chris (Affleck), dont le nouveau coéquipier n'est autre qu'un policier impliqué dans l'attaque de la banque... Et Triple 9 de lancer sa sombre intrigue, de nouer le nœud de son "drama" autour du rapport entre les bons et les méchants, tout en s'évertuant à nous montrer comme la frontière qui existe entre les deux est ténue et facile à franchir.

"The code on the the street is never black and white."

Le rythme du film n'est pas incroyable, mais il est savamment dosé. Hillcoat prend le temps de poser son histoire, de montrer chaque facette de ses personnages, bons ou mauvais, méchants comme gentils. On découvre le passif, les motivations, le vice et la folie de chacun - même s'il s'agit du strict minimum. Sans réelle surprise, mais avec un appétit féroce, on laisse le scénario tisser sa toile, et nous attirer dans un récit qui apparaît, minute après minute, de plus en plus moite et saignant. La mafia ne fait pas de concession pour arriver à ses fins ; les cartels mexicains montrent les dents et les muscles, prêts à piquer à la moindre occasion : le club des cinq (en ajoutant aux ripoux et au ex-commandos le jeune frère de Norman Reedus, joué par Aaron Paul) doivent poursuivre leur larcin s'ils veulent sauver leur peau, mais doivent bien regarder où ils mettent les pieds. De l'autre côté de la morale, les "bons" flics tentent d'y comprendre quelque chose, de recouper les indices et de suivre de maigres pistes, mais sont bien souvent largués. Au même titre que l'action haletante et la tension permanente, c'est la galerie de tous ces personnages différents que nous offre Triple 9 qui fait la différence. Héros, zéros, cinglés, désespérés, justiciers... Tous ont une bonne raison de mener à bien leur mission. Tous ont une bonne chance d'y laisser la peau.




Noir, très noir, Triple 9 va au bout de ses idées. Sans être un film à twist, la noirceur du script est tellement déconcertante et inhabituelle qu'il est très difficile de savoir à l'avance qui va survivre ou trépasser, si c'est la justice d'un tiers ou la justesse d'un tir qui va l'emporter. Scènes de braquage, fusillades, course poursuite, assassinat lugubre, passage à tabac, course contre la montre et contre la mort : tout défile avec ingéniosité, avec maîtrise. Grâce à une mise en scène habile et nerveuse, sublimée par une image légèrement granulée, John Hillcoat ne laisse rien au hasard, et semble avoir réussi le pari de tout filmer, de tout montrer pour que le spectateur soit toujours au cœur de l'action, sans cesse pris à la gorge par le drame qui se dévoile. Ici, ce n'est pas l'action qui est non stop, c'est la tension. Filmant pour la première une histoire "contemporaine", le réalisateur australien signe un polar non seulement efficace, mais qui se démarque de nombres de productions récentes désespéramment "lisses". Résultat, le film a beau être poisseux et violent, c'est la fraîcheur de l'originalité du script qui l'emporte. On se laisse porter par ce vent nouveau, qui nous frappe comme une bise matinale. Preuve s'il en fallait qu'il est encore possible d'innover en réalisant un policier qui respecte le genre et ses modèles.

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