Room de Lenny Abrahamson
Drame, thriller, Canada-Irlande, 2015, 1H58
Avec Brie Larson, Jacob Tremblay, Joan Allen
Sortie le 9 mars 2016
L'objectif : Jack, 5 ans, vit seul avec sa mère, Ma. Elle lui apprend à jouer, à rire et à comprendre le monde qui l’entoure. Un monde qui commence et s’arrête aux murs de leur chambre, où ils sont retenus prisonniers, le seul endroit que Jack ait jamais connu. L’amour de Ma pour Jack la pousse à tout risquer pour offrir à son fils une chance de s’échapper et de découvrir l’extérieur, une aventure à laquelle il n’était pas préparé.
Si vous connaissez un tant soit peu ma passion pour les jeux de mots, et/ou que vous êtes bons en anglais, vous aurez compris grâce au titre - et à la note - tout le bien que je pense du long-métrage de Lenny Abrahamson. C'est un chef d’œuvre. Et c'est en partie dû à la merveilleuse surprise que m'a provoqué ce film. Intrigué par les nombreuses nominations et récompenses, puis par l'histoire, et, enfin, convaincu par la bande-annonce, je m'attendais à découvrir un film dur, très dur même. J'imaginais assister à la mise en scène d'une vie de souffrance et de terreur, à l'image de celles qu'ont du vivre Natascha Kampusch ou Elizabeth Fritzl. Je m'étais à demi-laissé leurrer, car le film est bien plus intelligent que ça. Room nous parle de l'horreur vécue par une femme et son enfant retenus prisonniers, mais il est impossible de le limiter à ça. C'est l'illustration d'une passion vitale et fusionnelle qui lie une mère et son fils. C'est le récit d'une naissance, d'une renaissance au monde, le récit de découvertes, et d'apprentissage d'un être né de la plus abjecte des façons, et malgré tout destiné à vivre. C'est une histoire de courage et de résilience. Une histoire d'amour.
Au centre de cet amour, il y a Jack, petit garçon de bientôt 5 ans. Chaque matin, il dit bonjour aux âmes qui peuplent son univers grand de quelques m² : la plante, la lampe, le labyrinthe fait en tubes de carton, la chaise numéro 1 et la chaise numéro 2, le serpent d’œuf, qu'il nourrit dès qu'il le peut de nouvelles coquilles... Il y a aussi le lit, où il dort avec sa mère, l'armoire, où il s'enferme quand le "Vilain Nick" vient leur rendre visite, la baignoire où ils prennent leur bain, et la télé, qui anime un monde imaginaire. Quand il lève les yeux, et qu'il regarde à travers le velux, il voit également le dehors, ou plus exactement ce qu'il appelle l'espace, l'inaccessible espace. Ce qui est dans cette pièce existe, le reste n'est que magie, fantasme ou vide infini. Toute la beauté de Room se construit dans ce quotidien, cette naïveté d'enfant, cette innocence que Jack conserve jusqu'à ses 5 ans. C'est ça que nous offre à voir le réalisateur Lenny Abrahamson, c'est un enfant qui grandit, qui tente de comprendre, qui s'adapte, malgré la peur, l'incompréhension et le manque de repère. Grandir, c'est oublier ses certitudes, c'est faire confiance, c'est s'oublier dans les bras de l'autre. Alors quand il faut sortir de cette pièce, de ce cocon - qui, bien que sordide et exiguë, est réconfortant et rassurant pour un enfant qui n'a jamais rien connu d'autre - forcément, il y a des traumatismes.
C'est la confrontation de cet enfant avec la réalité que nous montre Room. Tout le film tourne d'ailleurs autour de Jack, autant sur le fond - le réalisateur s'intéresse plus à ce petit être neuf qu'à sa mère, dont la vie a pourtant été brisée par son tortionnaire -, que sur la forme, puisque la caméra d'Abrahamson ne quitte jamais de l'objectif le garçon aux cheveux longs. D'un film sur la violence et l'horreur, on découvre avec joie - et avec Joy, prénom de la maman de Jack - le récit d'une élévation. Et d'une révélation : celle de Jacob Tremblay, merveilleux acteur canadien qui fêtera ses 10 ans quand les feuilles tomberont. Sans mélodrame, avec sobriété, le long-métrage nous ravit, grâce à des émotions qui s'enchaînent, qui nous heurtent. Il y a du suspense, de la peur : c'est haletant. Il y a aussi de la tristesse et de la joie, qui font tressaillir nos ventricules : c'est poignant. Par petites touches (des moments privilégiés où Jack démontre la faiblesse de l'enfant de 5 ans qu'il est, mais aussi l'incroyable force intérieure qui l'anime et qui doit les sauver, sa mère et lui) ; par des symboles magnifiques (ce gâteau d'anniversaire sans bougie, cette voiture téléguidée, cette mèche de cheveux...) ; par les réactions multiples et paradoxales que Jack saisit ou génère chez les autres (je parlerai simplement de la touchante relation qui se tisse entre lui et Leo, le beau-père de sa mère, mais il y a aussi sa grand-mère, cette souris, ce chien...) ; par tout ça et bien d'autres belles choses, Room nous transporte. Et nous touche.
Le subjectif : Après The Revenant, qui a permis à son interprète Leonardo DiCaprio de décrocher les distinctions de "Meilleur acteur" des trois cérémonies les plus prestigieuses du 7e art - derrière le Festival de Cannes -, à savoir les Oscars, les Golden Globes et les BAFA (British Academy Film Awards), je suis allé voir Room, qui a offert à son actrice principale les trois mêmes récompenses. Premier point : Brie Larson, à l'image de son homologue masculin, ne les a pas volées. La Californienne de 26 ans a mis tout le monde d'accord pour son premier grand rôle (après l'indé States of Grace, sorti en 2014). Et quel rôle ! Celui d'une jeune femme de 17 ans, kidnappée, séquestrée et violée pendant 7 ans, et mère d'un petit garçon venu au monde dans ces conditions inhumaines. À moins que ce film nous raconte bien plus que ça, bien plus qu'un rapt, un isolement et des sévices physiques et (a)moraux. À moins que Room soit à l'image de nos vies, protéiforme et méchamment complexe.
Si vous connaissez un tant soit peu ma passion pour les jeux de mots, et/ou que vous êtes bons en anglais, vous aurez compris grâce au titre - et à la note - tout le bien que je pense du long-métrage de Lenny Abrahamson. C'est un chef d’œuvre. Et c'est en partie dû à la merveilleuse surprise que m'a provoqué ce film. Intrigué par les nombreuses nominations et récompenses, puis par l'histoire, et, enfin, convaincu par la bande-annonce, je m'attendais à découvrir un film dur, très dur même. J'imaginais assister à la mise en scène d'une vie de souffrance et de terreur, à l'image de celles qu'ont du vivre Natascha Kampusch ou Elizabeth Fritzl. Je m'étais à demi-laissé leurrer, car le film est bien plus intelligent que ça. Room nous parle de l'horreur vécue par une femme et son enfant retenus prisonniers, mais il est impossible de le limiter à ça. C'est l'illustration d'une passion vitale et fusionnelle qui lie une mère et son fils. C'est le récit d'une naissance, d'une renaissance au monde, le récit de découvertes, et d'apprentissage d'un être né de la plus abjecte des façons, et malgré tout destiné à vivre. C'est une histoire de courage et de résilience. Une histoire d'amour.
La surprise Jack
Au centre de cet amour, il y a Jack, petit garçon de bientôt 5 ans. Chaque matin, il dit bonjour aux âmes qui peuplent son univers grand de quelques m² : la plante, la lampe, le labyrinthe fait en tubes de carton, la chaise numéro 1 et la chaise numéro 2, le serpent d’œuf, qu'il nourrit dès qu'il le peut de nouvelles coquilles... Il y a aussi le lit, où il dort avec sa mère, l'armoire, où il s'enferme quand le "Vilain Nick" vient leur rendre visite, la baignoire où ils prennent leur bain, et la télé, qui anime un monde imaginaire. Quand il lève les yeux, et qu'il regarde à travers le velux, il voit également le dehors, ou plus exactement ce qu'il appelle l'espace, l'inaccessible espace. Ce qui est dans cette pièce existe, le reste n'est que magie, fantasme ou vide infini. Toute la beauté de Room se construit dans ce quotidien, cette naïveté d'enfant, cette innocence que Jack conserve jusqu'à ses 5 ans. C'est ça que nous offre à voir le réalisateur Lenny Abrahamson, c'est un enfant qui grandit, qui tente de comprendre, qui s'adapte, malgré la peur, l'incompréhension et le manque de repère. Grandir, c'est oublier ses certitudes, c'est faire confiance, c'est s'oublier dans les bras de l'autre. Alors quand il faut sortir de cette pièce, de ce cocon - qui, bien que sordide et exiguë, est réconfortant et rassurant pour un enfant qui n'a jamais rien connu d'autre - forcément, il y a des traumatismes.
C'est la confrontation de cet enfant avec la réalité que nous montre Room. Tout le film tourne d'ailleurs autour de Jack, autant sur le fond - le réalisateur s'intéresse plus à ce petit être neuf qu'à sa mère, dont la vie a pourtant été brisée par son tortionnaire -, que sur la forme, puisque la caméra d'Abrahamson ne quitte jamais de l'objectif le garçon aux cheveux longs. D'un film sur la violence et l'horreur, on découvre avec joie - et avec Joy, prénom de la maman de Jack - le récit d'une élévation. Et d'une révélation : celle de Jacob Tremblay, merveilleux acteur canadien qui fêtera ses 10 ans quand les feuilles tomberont. Sans mélodrame, avec sobriété, le long-métrage nous ravit, grâce à des émotions qui s'enchaînent, qui nous heurtent. Il y a du suspense, de la peur : c'est haletant. Il y a aussi de la tristesse et de la joie, qui font tressaillir nos ventricules : c'est poignant. Par petites touches (des moments privilégiés où Jack démontre la faiblesse de l'enfant de 5 ans qu'il est, mais aussi l'incroyable force intérieure qui l'anime et qui doit les sauver, sa mère et lui) ; par des symboles magnifiques (ce gâteau d'anniversaire sans bougie, cette voiture téléguidée, cette mèche de cheveux...) ; par les réactions multiples et paradoxales que Jack saisit ou génère chez les autres (je parlerai simplement de la touchante relation qui se tisse entre lui et Leo, le beau-père de sa mère, mais il y a aussi sa grand-mère, cette souris, ce chien...) ; par tout ça et bien d'autres belles choses, Room nous transporte. Et nous touche.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire